Énervé par le faux dilemme invoqué pour bombarder la terre de biocides, notre ami Benoît Sibille rappelle que les monocultures de betterave sucrière ne servent à rien d’autre qu’à faire tourner l’industrie de la malbouffe. On n’autorise les néonicotinoïdes que pour Nestlé & co, qu’ils puissent continuer de nous vendre des produits saturés en sucre qui en plus de pourrir les écosystèmes ruinent notre santé.

On lit partout que dans cette question des néonicotinoïdes, le gouvernement fait face à un dilemme, qu’il faut jouer du « en même temps ». Les ambitions écologiques seraient à contrebalancer avec la survie des agriculteurs, l’emploi et l’autonomie de la France pour sa filière sucre. Si tel était le cas, l’« écologie intégrale », c’est-à-dire une écologie intégrant les enjeux sociaux, devrait nécessairement être de ceux qui appellent à une voie médiane, à ne pas aller trop vite pour ne pas accabler les agriculteurs et l’autonomie alimentaire de la France.

Pourtant il n’en est rien. De quelle filière, de quelle autonomie alimentaire s’agit-il ? Il ne s’agit aucunement de vous permettre d’avoir du sucre pour vos confitures, il s’agit de fournir en sucre toute l’industrie de la malbouffe française : biscuits, bonbon, brioches, soda, etc. Ce ne sont pas les intérêts des paysans qui sont en jeu, se sont ceux de l’agro-industrie, dont les mono-cultures de betteraves à sucre ne sont qu’un élément.

Les affaires sont les affaires

Évidement les agriculteurs pris dans ce système n’y sont pas pour grand-chose. Ils ont prospéré dans un monde où tout les encouragerait à liquider les fermes en polyculture de leurs aïeux pour se lancer dans la monoculture extensive qui aujourd’hui leur permet à peine de vivre. Mais qu’on ne nous raconte pas qu’ils sont les acteurs de l’autonomie alimentaire de la France. Devenant un élément de « la machinerie automatique » du capital, ils ne produisent plus des aliments, mais seulement des marchandises. Qu’il y ait un enjeu de business derrière les néonicotinoïdes on l’imagine bien ; mais que ce soit une question d’autonomie alimentaire est un mensonge.

Après l’argument de l’autonomie alimentaire, le pseudo-dilemme nous assure que les mono-cultures de betteraves bio (quasi-inexistantes) ne font pas mieux face aux attaques de pucerons, qu’on n’a pas encore d’alternatives efficaces aux néonicotinoïdes et qu’il faut donc les autoriser en attendant l’innovation technique qui permettra de faire de la mono-culture bio. À lire ce genre d’argument, je ne parviens pas à savoir si le gouvernement est vraiment à côté de la plaque ou s’il nous prend tout simplement pour des cons. Pensent-ils vraiment que l’objectif des écolos est de passer les monocultures en bio ? Bio ou pas bio, les monocultures sont une aberration écologique, incompatible avec un sol vivant et des cultures résistantes. On ne veut pas de leurs innovations techniques pour verdir l’agro-industrie, on veut sortir pour de bon de ce modèle[1]. L’alternative aux néonicotinoïdes existe déjà : abandonner les monocultures !

Parlons emploi

Le seul élément de leur dilemme qui reste valable est celui de l’emploi. Oui, tout un secteur de l’industrie doit être abandonné. Cela dit, si nous ne l’abandonnons pas en planifiant une réelle transition écologique, il s’effondrera de lui-même, emportant tout le vivant avec lui. Alors oui, il y a une urgence politique, un besoin d’action publique et le gouvernement doit s’activer pour l’emploi, la paysannerie et l’autonomie alimentaire de la France. Oui, la planification écologique est urgente : le maintien de l’interdiction des néonicotinoïdes doit être couplé d’un encouragement décisif à l’agriculture paysanne !


[1]En réponse à tout ceux qui accusent les écolos d’être incapable de nourrir les hommes, Perrine et Charles Herver-Gruyer, dans Permaculture, guérir la terre, nourrir les hommes (Actes Sud, 1017) aux chapitres XIX et XX, exposent de manière très documentée ce que pourrait être un véritable projet d’autonomie alimentaire en agriculture biologique.