Le Covid-19 n’est pas tombé du ciel. La possibilité de propagation d’agents infectieux libérés par la fonte du permafrost inquiète déjà. La situation n’a donc rien d’un mauvais moment à passer grâce à un « passe sanitaire » . La question n’est pas d’accepter ou non des mesures extraordinaires et ponctuelles ; il s’agit de décider de notre réaction face à l’effondrement des écosystèmes que nous provoquons.
Alors que les citoyens refusant le « passe sanitaire » sont de plus en plus considérés comme responsables de la propagation de la pandémie de Covid-19, il importe de remonter correctement la chaîne des responsabilités. Le Covid-19 est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmise à l’homme par des animaux non-humains du fait de la destruction de leur habitat naturel ou de leur exploitation. Que la pandémie vienne du pangolin ou de la chauve-souris change assez peu de chose, c’est de la prédation de l’humanité capitaliste sur les équilibres écosystémiques que vient la crise. La crise sanitaire ne vient pas de notre négligence dans l’usage du masque, du gel ou des vaccins, mais d’un mode de développement destructeur des écosystèmes. Pire, les industries dont nous attendons le salut (production de gel, de masques, de vaccins, etc.) participent elles-mêmes à la folie productiviste qui nous mène de manière de plus en plus inéluctable à l’effondrement. La pandémie de Covid-19 n’est donc pas une « crise sanitaire » pouvant se résoudre à l’échelle de la seule humanité ; c’est une « crise écologique » dont nous ne pourrons sortir qu’en acceptant de nous considérer nous-mêmes comme membres, parmi d’autres, d’écosystèmes.
Le Covid-19 n’est pas tombé du ciel, les scientifiques alertaient depuis longtemps sur les risques liés aux zoonoses et l’on sait que d’autres suivront ; la possibilité de propagation d’agents infectieux libérés par la fonte du permafrost inquiète déjà. La situation n’a donc rien d’une crise que l’on pourrait traverser par des mesures strictement sanitaires. Il ne s’agit pas d’un mauvais moment à passer grâce à un « passe sanitaire », il s’agit d’une période dans laquelle nous entrons et il nous incombe de choisir comment nous y entrons. La question n’est pas d’accepter ou non des mesures extraordinaires et ponctuelles ; il s’agit de décider de notre réaction face à l’effondrement des écosystèmes que nous provoquons.
Entrerons-nous dans cette période par la surveillance généralisée et l’accroissement du pouvoir technique ou y entrerons-nous par un changement radical de notre mode de développement ? Comment la surveillance de la population pourrait-elle être acceptable comme moyen d’espérer une sortie de crise alors que se maintient et se renforce, par et avec elle, le système économique qui produit ces pandémies ? Voulons-nous vivre ce temps de crise en réinventant des manières écosystémiquement soutenables de vivre ? Nous obstinerons-nous dans une forme de développement qui non seulement ne pourra durer qu’un temps, mais ne le pourra qu’au prix d’inégalités croissantes et d’une surveillance généralisée ?
- Des luttes écologiques au Royaume de Dieu - 17 novembre 2022
- La morale privée/bioéthique n’existe pas - 8 juin 2022
- Nous ne vivons pas une crise sanitaire - 30 juillet 2021
J’ai bien peur que les expressions « prédation de l’humanité capitaliste » et « Pire, les industries (…) participent elles-mêmes à la folie productiviste » désignent un bouc émissaire à abattre. Or, le Christ nous a appris que les victimes sacrifiées sont innocentes. (Cf. l’oeuvre de René Girard.) Alors, si le texte de Benoît Sibille « fait du bien » sur le moment, c’est parce qu’il défoule, c’est parce qu’il verbalise une violence. Malheureusement, c’est réagir par le mal contre le mal. C’est faire fausse route.
L’objectif n’est-il pas de créer ? de regarder ailleurs en tendant l’Autre joue ?
Bonjour
Je trouve l’approche juste, mais pas aplicable au Covid-19.
Outre que l’origine n’est pas encore claire, cet evenement est exploite pour instaurer des mesures de restriction de liberte non scientifiquement justifiees (confinement, interdiction de travailler, interdiction de prescrire certains medicament, pass « sanitaire » et ses sanctions associees). Et pousser un vaccin sans rapport avec le rapport benefice risque propre a chaque acte medical.
Notre acceptation ou non a ces atteintes aux libertes, est la cle pour savoir comment les gouvernements agiront lors des prochaines epidemies nouvelles liees a la societe de consomation, et au capitalisme court terme.
Cordialement.
Cher Gérald,
Merci pour votre lecture et votre commentaire.
Je n’ai pour ma part jamais été convaincu par la lecture girardienne des Écritures et ne saurait donc y recourir pour mieux comprendre notre temps.
Pour ce qui est du capitalisme, il ne s’agit pas d’un bouc émissaire. Il s’agit d’une manière (historique, cad qui a un début et peut donc avoir une fin) d’organiser l’activité humaine. Le critiquer (en parlant de structure de péché si vous souhaitez recourir à un vocabulaire théologique) est une manière de questionner les modalités de notre agir et donc « notre » responsabilité collective. Cela dit, en effet le propre du capitalisme (et des idoles en général) est de se faire passer pour extérieur à nous, indépendant de nous. Or, en effet, il faut bien voir que le capitalisme est la logique s’instillant à même nos vies. Je vous rejoins donc en effet sur la vigilance à avoir quant au fait que ce qui est à abattre est bien à l’œuvre, aussi, en chacun de nous.
Bonjour,
Merci pour votre réponse à mon commentaire.
J’entends votre non-adhésion à « la lecture girardienne des Ecritures » et votre distinction entre un bouc émissaire et « une manière historique d’organiser l’activité humaine », distinction qui place en quelque sorte d’un côté le physique (bouc émissaire) et de l’autre le non-physique (manière historique). Pourquoi pas mais cela ne revient-il pas à botter en touche et à se diriger à l’encontre de l’incarnation (phénomène auquel je crois) ?
Je me demande si nous ne pourrions pas parler du « capitalisme » comme une simple tendance exacerbée à thésauriser. Auquel cas, en effet, chacun est responsable (en fonction de ses capacités et de sa foi) de sa gestion de cette tendance. Par contre, à aucun moment je n’ai parlé en ces termes : « vigilance à avoir quant au fait que ce qui est à abattre est bien à l’œuvre, aussi, en chacun de nous ». Le lexique belliqueux, tel que « à abattre », a tendance à augmenter ma colère sans pour autant me donner de l’élan. Alors là je botte en touche en laissant ce vocabulaire de côté.
Jésus a abattu les étals des marchands du Temple… Saint Martin et saint Benoît abattaient les idoles païennes. Il reste bien des idoles à abattre, et la vie est un véritable combat ! Le capitalisme est une contagion de nos esprits, une colonisation mentale à extirper de nos têtes, de nos moeurs, de nos actions, de nos vies.
L’article de Benoît Sibille va progressivement passer dans les couches sédimentaires électro-informatiques, mais j’y ajoute cependant un commentaire. En effet, j’ai aperçu cette semaine un article du magazine La Croix L’Hebdo qui invite à un débat (lié à l’élection présidentielle) apaisé. Dans cet article des règles à suivre pour créer des conditions apaisées de débat sont clairement énoncées. Parmi ces règles : éviter l’anonymat. Personnellement, si je n’ai pas « révélé » mon nom au moment de mon premier commentaire, c’est parce que je pense que je ne fais pas le poids face à Benoît Sibille. En effet, la plupart des auteurs d’articles de Limite sont annoncés, sauf erreur de ma part, avec un bagage universitaire que je n’ai pas. Pour autant, est-ce que cela signifie que mon nom est insignifiant ? Non. Je corrige donc le tir grâce à cet article de La Croix L’Hebdo.