Le Tour de France et le sport cycliste en général s’épanouissent dans les campagnes, les vallons du Massif central, les cols pyrénéens ou les plaines agricoles des Flandres. Ces territoires ont donné au vélo de grands champions aussi à l’aise dans les champs que sur la route. Depuis une dizaine d’années, le vélo connaît une professionnalisation accélérée et sa pratique s’embourgeoise. La fin d’un cyclisme paysan ? Extrait choisi de ce texte paru dans le numéro 21 de la revue Limite.

« Les valeurs associées d’ordinaire à la paysannerie rejoignent celles que l’on attend d’un coureur cycliste : goût de l’effort, labeur, solitude, ascèse. La hiérarchie entre coureurs d’une même équipe nourrit cet imaginaire. Les équipiers protègent le leader du vent, lui portent des bidons, le dépannent en cas de problème mécanique. En italien, l’équipier est appelé «gregario», domestique. Servir est un honneur. Le grand Antoine Blondin écrivait qu’il faut « avoir vécu à la campagne pour mesurer combien ce mot, qui désigne l’attachement à la maison, à la famille, n’a rien d’infamant » (Antoine Blondin, Sur le Tour de France, La Table Ronde, 2016). Un peloton est peuplé d’inconnus : pour un champion, sept ou huit anonymes dévoués corps et âme.

Aujourd’hui, ce cyclisme paysan a quelque peu déserté les routes estivales du Tour de France. Le lien entre agriculture et la Grande Boucle s’incarne davantage dans le partenariat qui lie la FNSEA à l’organisation du Tour autour de manifestations au bord des routes. Entre grosses machines productivistes, on se comprend.

Le cyclisme paysan perdure pourtant ailleurs, au printemps, en Belgique, dans les monts pavés des Flandres qui culminent à 175 mètres. Son épreuve reine est le Tour des Flandres, Ronde Vlanderren en flamand, long de 260 kilomètres et hérissé de murs où la pente peut atteindre les 25 %. Chaque année, 800 000 spectateurs se massent au bord des routes, une bière à la main.

John Deere sur un vélo

Ces collines surmontées de chapelles sacrent des champions dont les carcasses doivent résister aux rafales de vent et aux secousses des pavés. Plusieurs coureurs belges sont encore de ces cyclistes paysans. Yves Lampaert et Frederick Backaert courent ainsi pour de grandes équipes professionnelles tout en continuant à vivre et travailler dans l’exploitation familiale, non loin des routes du Ronde. Avec les victoires viennent les surnoms évocateurs : le Bouledogue pour Gaston Rebry, le Cannibale Eddy Merckx, le Gitan pour Roger de Vlaeminck… S’il n’a pas encore gagné le Tour des Flandres, Yves Lampaert a hérité de « John Deere », pour son amour des tracteurs. »

Cet article sur le cyclisme paysan est à retrouver en intégralité dans le numéro 21 de Limite, la première revue d’écologie intégrale. L’essayer, c’est l’adopter !

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