À Villette, petit village des Yvelines, Emmanuel Coupin est à la tête d’une pisciculture centenaire. Il valorise son élevage de truites en fumant ses poissons comme le faisaient ses parents avant lui. Alors que la pêche classique est dans une impasse, l’élevage de poissons est en plein essor. Si la tendance est à l’industrialisation, Emmanuel et son équipe font le choix des circuits courts et de la qualité. 

Quatre silhouettes patientent, placides, au bord d’un étang coincé au fond d’un vallon. Glacière et appâts sont étalés sur une table de piquenique. Les lignes ont été lancées. La truite va mordre, c’est une certitude. Le plan d’eau est alimenté par la pisciculture d’Emmanuel Coupin. « La pêche saisonnière est en perte de vitesse, explique-t-il sans émotion. On ferait mieux d’installer une guinguette, ce serait blindé tous les jours ». Pour cet éleveur de truites, l’avenir est à la gastronomie, à la fumaison du poisson et à sa transformation en soupe et autres terrines. « Venir pêcher soi-même son repas du soir plaît encore aux enfants à qui l’on prête des cannes à pêche pendant les vacances ».

Emmanuel est pisciculteur, mais aussi maitre fumeur. Pour ses truites et ses saumons, il utilise une technique artisanale mise au point dans les années 1940 et inspirée de la fumaison ancestrale des harengs de Normandie. Les truites des espèces arc-en-ciel et fario grandissent dans ses bassins. Le saumon, lui, vient d’Écosse pour être fumé directement dans les fours de sa ferme. 

Le bassin est calme, à peine agité par les ombres furtives des bêtes tapies au fond de l’eau. Soudain, une poignée de granulés volent. À peine les graines ont-elles atteint la surface que des masses noires et luisantes se précipitent et se bousculent pour les attraper. L’eau bouillonne instantanément. L’activité intense des poissons à la recherche de nourriture forme des tourbillons. À chaque poignée, le même rituel quasi mécanique se répète. Une lourde épuisette plonge et trois spécimens en ressortent, pris au piège. Branchies grandes ouvertes, ils étouffent à l’air libre et se contorsionnent sur la terre ferme. L’épuisette les ramène à l’eau. « On surveille leur taille régulièrement. Certaines sont plus malines que d’autres et mangent davantage. La truite est un animal carnivore, si l’on ne fait rien, les plus grosses mangent les petites ».

Les dilemmes de l’aquaculture

Biologiste de formation, Emmanuel a attendu un peu avant de reprendre l’exploitation familiale, histoire d’avoir vu autre chose avant. L’appel de la rivière a été trop fort. La Vaucouleurs, affluent de la Seine, coule au fond du parc. Elle alimente les bassins de la ferme piscicole qui fut un moulin entre le XVIe et le XIXe siècle. Quelques truites sauvages continuent d’y vivre. « En France, la truite a disparu de 8 rivières sur 10. Là où il y a des hommes, il n’y a plus de truites. Nous sommes dans un des bassins versants les moins peuplés d’Île-de-France. Partout ailleurs dans la région, les truites sauvages ont disparu ». Emmanuel consacre une petite partie de son activité au rempoissonnement des cours d’eau. 

Avenir de l’humanité ou dérive industrielle et sanitaire, les avis sur la pisciculture sont tranchés. Alors que les stocks de poissons s’épuisent, l’élevage progresse. […]

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