Puisque notre gouvernement annonce ne plus pouvoir « discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu »[1], voici que, bien malgré eux, les chrétiens vont devoir devenir « séparatistes ». En effet, l’apôtre Pierre – séparatiste devant l’Éternel – nous a enjoint à « obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5, 29).
Pourtant ce n’est pas par nostalgie d’un monarque chrétien que je voudrai m’opposer à la position étrange de notre gouvernement. C’est même au contraire que leur vision de la politique me semble bien trop théologico-politique. Notre Ve République a un côté « Monarchie de Droit Divin » qui irrite en moi autant que chrétien que le républicain.
La manière de poser le problème adoptée par notre gouvernement – soit l’autorité absolue de la République, soit celle de Dieu – témoigne, en effet, d’une théologie et d’une philosophique politique très indigentes.
Une République de droit divin ?
Côté philosophie politique, on s’étonnera de cette idée de « lois de la République » supérieures à toutes les autres et donc devant ainsi échapper à toute remise en question. Une telle mystification à de quoi faire pâlir les théologiens. Nous avons à faire à une philosophie politique encore plus théologique que la pire théologie politique des pires théologiens. Une sorte de « République de Droit Divin » où la loi relèverait d’une transcendance absolue. Certes, la transcendance politique est à la mode à La République en Marche, mais tout de même il ne faut pas beaucoup d’effort pour réaliser que les lois de la Républiques sont faites (et défaites) de mains d’hommes. Il suffit de se tourner vers (ce qu’il reste de) notre Assemblée Nationale pour découvrir que chaque jour on y met en cause les lois de la République et que c’est l’essence même de la politique que de le faire. Car, en effet, si la République est notre res publica, notre chose commune, ce n’est pas en nous tombant dessus depuis le ciel métaphysique des « principes républicains », mais seulement – et bien plus humblement – en étant notre tâche commune, en s’élaborant dans une délibération collective sans cesse renouvelée.
Le partage du pain comme modèle politique
Côté théologie politique, on s’étonnera de cette conception de « la loi de Dieu » censée entrer en concurrence avec les lois de la République. Lisant le récit de l’ascension du Christ – « Seigneur, est-ce maintenant, le temps où tu vas restaurer la royauté en Israël ? (…) – Il nous vous appartient pas de connaître les temps et moments (…) Mais (…) vous serez mes témoins » (Ac 1, 6-8) – nous avions appris que le trône du pouvoir devait rester vide encore un moment et qu’il était vain d’atteindre que le ciel nous parachute la constitution théocratique idéale – « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ? » (Ac 1, 11)[2]. Il nous semblait naïvement que la forme politique la plus proche du christianisme était celle d’une « communion fraternelle » (Ac 2, 42) où « tout était commun » (Ac 4, 21), quelque chose d’aussi peu vertical que le « partage du pain » (Ac 2, 42). Bref, guérit de la folie moderne de monarques de droit divin, nous lisions « que tout pouvoir vient de Dieu » chez saint Paul (Rm 13, 1), non plus comme la justification du pouvoir des puissants mais comme l’affirmation que personne ici bas n’est propriétaire de son autorité. Bref, nous étions théologiquement républicains, anarchistes même. Et voici que ce gouvernement nous donne un cours de théologie pour nous expliquer que la « loi de Dieu » doit être conçue sur le modèle de ses « lois de la République » comme transcendance absolue. Alors évidement, si tel est le cas, deux transcendances c’est trop, il faudra bien que l’une écrase l’autre.
Au final, on ne sait plus qui est le plus théologien dans cette histoire, celui qui aspire à la transcendance républicaine ou celui qui rêve de théocratie ? Une chose est sûre cependant, c’est que, dans les deux cas, c’est d’une très mauvaise théologie qu’il s’agit.
Au fond, s’il faut « obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5, 29), c’est probablement parce qu’il demande bien moins de soumission servile que ces derniers.
[1]G. Darmanin sur France Inter, le 01/02/21.
[2]L’écoute du cours de « théologie politique » de Gaël Giraud, donné en 2020 au Centre Sèvre n’est pas pour rien dans ma lecture du récit de l’ascension. Qu’il en soit remercié.
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Bonjour, ma compréhension du chrétien face à l’autorité, qui me semble en accord avec la pratique qu’en ont eu et Jésus et les apôtres : la règle c’est obéir. L’exception, effectivement, désobéir si ce qui nous est demandé est contraire à ce que Dieu demande. Et dans ce cas, nous respectons le fait qu’il y a des conséquences, et nous nous attendons à Dieu pour la délivrance, le cas échéant (Paul et Silas, de la prison…)
Bonjour! Pourquoi s’inquiéter. Ces choses ne sont elles pas écrites. Lorsque Pierre et Jean ont été emprisonnés, il sont retournés vers « les leurs ». Ils ont dans leur prière, cité le psaume 2. Elevant la voix tous ensemble vers Dieu, ils n’ont pas demandé que les menaces et les persécutions cessent, seulement d’annoncer la parole avec assurance. Ce que nous vivons et vivrons est écrit et sera. Jésus nous a averti. Il faut donc revenir à la valeur intrinsèque de l’Evangile et « ENSEMBLE » annoncer la bonne nouvelle. Malheureusement aujourd’hui l’église évangélique en France est un « tapis mendiant » qui se veut ou paraît uni, mais qui, ne l’est pas. Lors du premier siècle, la tutelle politique était romaine, le pouvoir religieux était contre et menaçant et pourtant … »la parole de Dieu se répandait, le nombre des disciples se multipliait beaucoup…. « . Ils n’avaient pas de moyens financiers, pas de médias, mais une autre puissance les animaient…Cherchez l’erreur!