Hervé Le Treut est physicien et climatologue, spécialisé dans la modélisation climatique. Enseignant à la Sorbonne et à Polytechnique, il a participé pendant une vingtaine d’année aux rapports du GIEC et a fait partie du comité de suivi de la COP21. Un climatologue de terrain qui accompagne la Nouvelle Aquitaine dans sa transition écologique et qui, dès 2005, dans un livre coécrit avec Jean Marc Jancovici, abordait très concrètement la question des solutions comme la décroissance. Hervé Le Treut raconte à Limite cinquante années de découvertes scientifiques et d’une prise de conscience mondiale qui peine à se concrétiser.

Entretien mené par Amélie Pillet.

Illustration d’Emma Bertin.


Revue Limite : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au climat ?

Hervé Le Treut : J’ai toujours été intéressé par les sciences de la terre. Vers la fin des années 1970, j’étudiais la physique à Normale Sup, et j’y ai rejoint un laboratoire qui venait de se créer où des chercheurs développaient les premiers modèles français d’étude du climat. Immédiatement, j’ai été fasciné. Je découvrais une discipline que j’ignorais, celle du « fonctionnement de la machine Terre ».

Quels étaient les enjeux climatiques dans les années 70 ?

Les enjeux à l’époque étaient différents, le contexte n’était pas celui du changement climatique. La discipline portait surtout sur des problématiques liées aux fluctuations naturelles du climat, on étudiait par exemple les grandes sécheresses au Sahel. La science du climat était très orientée autour des ressources : on abordait le climat pour comprendre les facteurs de vulnérabilité des différentes régions du monde. On cherchait, très concrètement, à comprendre comment nourrir la planète, lutter contre la pauvreté, et assurer le développement des différents pays.

Comment travaillait-on sur le climat à cette époque ?

Mon travail à mes débuts était de participer au développement des premiers modèles français de météorologie et de climat. Les ordinateurs étaient beaucoup moins puissants qu’aujourd’hui, mais ils étaient déjà capables d’améliorer les prévisions météorologiques, en visant des échéances à dix jours d’anticipation. Il a fallu adapter ces modèles pour traiter le problème du climat, en s’appuyant sur la révolution des satellites et une meilleure connaissance des océans.

Comment définissez-vous le climat ?

Le climat désigne un ensemble de conditions atmosphériques et météorologiques propres à la planète ou à une région, généralement calculées d’après les observations d’au moins trente ans. Il est caractérisé par des valeurs moyennes, ainsi que des variations et des extrêmes. À une échelle plus grande, je préfère parler du système climatique. C’est un ensemble complexe qui fait intervenir beaucoup d’éléments, principalement l’atmosphère et l’hydrosphère (les océans, les rivières), la biosphère (ou le vivant), la cryosphère (la glace) ou encore la lithosphère (la « croûte » terrestre).

Sur un temps très long, le climat connaît depuis toujours des évolutions naturelles, sous l’effet de ses propres contraintes externes comme les cycles solaires, ou sous l’effet de dynamiques internes, par exemple la rotation de la Terre sur elle-même, ou des mouvements en partie aléatoires : des ondes, des moussons. Mais il existe désormais aussi des contraintes dont l’homme est responsable, comme les émissions de gaz à effet de serre ou la déforestation. Elles modifient de manière toujours plus forte le climat.

À quel moment a-t-on commencé à parler du réchauffement climatique ?

Les premiers pronostics marquants concernant le réchauffement climatique dans la communauté sont arrivés au milieu des années 1950. Roger Revelle et Hans Suess, professeurs à l’Université de Californie, ont montré que si les émissions de gaz à effet de serre (GES) augmentaient, elles risquaient de se stocker durablement dans l’atmosphère. Le corollaire affirmant que ce stockage pourrait créer un réchauffement fait l’objet en 1979 d’un rapport de l’Académie nationale des sciences américaines coordonné par un professeur très respecté, Jule Charney du MIT. Le rapport montre que si l’émission de CO2 dans l’atmosphère doublait, un réchauffement de 1,5 à 4,5°C en découlerait, un constat qui a été vérifié au fil des années, et a provoqué une prise de conscience très rapide, conduisant à la création d’un Programme Mondial de recherche sur le climat dès 1980. […]

L’intégralité de cet entretien est à retrouver dans le dernier numéro de la revue Limite. Le numéro 23 est à commander dans toutes les bonnes librairies ou en ligne sur le site de notre éditeur. Si vous aimez Limite, qu’attendez-vous pour vous abonner ?