Dans les années 60, les vins étaient biologiques sans que l’on y pense, puis ont débarqué les traitements de synthèse. Actuellement, les Français font d’avantage attention à ce qu’ils mettent dans leurs assiettes mais aussi, depuis quelques années, à ce qu’ils versent dans leurs verres.

Depuis l’apparition du vin et jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle, les hommes n’ont guère utilisé que des produits naturels de traitement et de conservation, souffre et cuivre pour traiter les maladies des vignes et réguler l’oxydation du vin.  Au tournant des années 60 tout est radicalement transformé pour l’efficacité et la rentabilité avec de nouvelles façons de traiter, récolter et vinifier. Ainsi en 2005, selon l’INRA et le CEMAGREF, la vigne qui ne représente en France que 3,7 % de la surface agricole, consomme environ 20% de produits phytosanitaires chimique. Beaucoup croyaient alors que la chimie était le sens de l’histoire. La volonté de combler le retard français par la chimie lourde n’a favorisé ni l’héritage de la polyculture familiale ni son potentiel futur en agriculture biologique. Le clonage abusif de plants de vigne en 1980 a réduit la diversité des cépages pour qu’ils s’adaptent dans n’importe quel terroir. Cependant, ces modifications les ont également rendus moins rustiques que les vieux cépages et plus résilients face aux transitions climatiques. Sébastien Lapaque dans le cinquième numéro de la Revue Limite mettait le doigt sur ce paradoxe : « c’est la viticulture qui utilise le plus d’engrais synthétiques dans des sols morts de pesticides, mais là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve ». Les vins nature et bio sont en pleine reconquête et maintenant ce secteur doit représenter entre 25 et 30% du marché. Dans ce contexte, l’appellation « vin nature » est arrivée pour davantage promouvoir une meilleure façon de récolter et vinifier le vin. Il incarne aussi un besoin de cohérence et d’enracinement dans notre rapport à la terre, à la tradition viticole, au désir de retrouver la diversité des cépages qui subissaient un clonage abusif en 1980 dans le but que ceux-ci s’adaptent dans n’importe quel terroir, au final ces cépages sont moins rustiques et résilients face aux enjeux de la transition climatiques. En cela il n’est pas qu’une question de goût, c’est le désir d’une nouvelle définition de faire du vin au-delà de nuances techniques sur la qualité, on veut retrouver un produit moins maquillé, moins standardisé et modifié.

Nous avons voulu évoquer ces questions avec Aude Saillard, « caviste passionnée et épicurienne convaincue ». Elle a choisi de devenir caviste à Fontainebleau poussée par le désir de tenir un commerce de proximité et l’envie de partager le fruit du travail d’hommes et de femmes, dans le plaisir et la convivialité.

Entretien avec Aude Saillard qui tient « L’Eclat du Vin » à Fontainebleau.

– Qu’est-ce qu’un vin bio et pourquoi cet engouement : une vogue ou une vague de fond ?

De plus en plus, les consommateurs aspirent à devenir acteurs de leur consommation, ils veulent comprendre ce qu’ils boivent et mangent. Il est logique que cet engouement contribue à engendrer une mode, découlant de profondes convictions face aux enjeux écologiques depuis 30 ans. Une mode qui ne perdurera que si bon nombre de vignerons ont à cœur de sauvegarder leur terre et l’amour du bon vin.

Il excite plusieurs labels de certification pour le vin, il me paraît important de vous les détailler :

AB (Agriculture Biologique) : il s’applique uniquement sur l’agriculture bio des raisins et il n’a aucun impact sur la vinification. La labellisation se fait sous le contrôle de 6 organisations dont Ecocert.

Nature et Progrès (association de producteur et consommateurs bio) : il s’applique sur les raisins et donne un cahier des charges pour la vinification. Il faut obligatoirement que les vendanges soient manuelles, que la fermentation soit faite avec des levures indigènes. La chaptalisation, l’ajout de sucre, n’est autorisée qu’à hauteur de 1%. Le collage de l’étiquette lui doit se faire au blanc d’œuf bio.

En biodynamie, il existe 2 types de classification :

-Demeter France : le Vin certifié par l’organisation Demeter prend en compte le raisin et la vinification avec des critères exigeants : vendanges manuelles, fermentation avec levure indigène, taux de dioxyde de souffre inférieur aux normes de Nature et Progrès.

– SIVCBD (Syndicat International des Vignerons en Culture Biodynamique) : raisins en biodynamie et certifié Ecocert avec cahier des charges pour la vinification

– Pour certains partisans du vin dit « nature », il doit être fabriqué sans intrants ni additifs, ni filtré… On veut un vin moins formaté mais quelles sont les limites ?

Le vin naturel ou vin nature est le résultat d’un choix philosophique visant à mettre en avant l’expression naturelle du terroir. Issu de raisins en AB (Agriculture Biologique), absence totale de pesticides, désherbant, engrais ou autres produits de synthèse. Les vendanges sont manuelles et pendant la vinification, le vigneron essaye de garder le caractère vivant du vin.

Oui, on veut un vin moins formaté, moins technique mais surtout on veut un vrai vin qui reflètera le vigneron. Il est très difficile aujourd’hui de connaître les limites car il n’y a pas de normes ou de label pour encadrer cette pratique. Je suis convaincue qu’il faut adapter la même méthode pour chaque vin, connaître le travail et la philosophie du vigneron. Mettre en avant des vins de terroir, qui sont l’expression d’un domaine

– Le vin bio est en pleine progression, le nombre de vignoble en conversion s’est multiplié par trois entre 2014 et 2017. Cependant, avec moins de 500 nouveaux viticulteurs bio chaque année, l’offre n’arrive pas à suivre la demande, la conversion au bio a un coût ?

Oui, la conversion en Bio a un coût et les petits domaines ne peuvent pas suivre. Souvent ce sont ces mêmes domaines qui travaillent déjà en Bio sans avoir de label, ainsi je préfère un domaine sans label mais sachant ce qu’il fait et pourquoi il le fait, plutôt que des domaines se convertissant par pur attrait commercial, sans avoir de vraie portée d’enracinement pour l’avenir.

– Certaines bouteilles sont estampillées « sans ajout de sulfite », le vin sans sulfite n’existe pas ?

Le vin sans sulfite, dit « naturel » est un vin sans sulfite ajouté. Les sulfites sont présents naturellement dans les vins et sont présent lors de la fermentation du dioxyde de souffre (sulfite), il est utilisé pour ses propriétés antiseptiques et antioxydantes. De la vendange à la mise en bouteilles, les sulfites peuvent être ajoutés à de nombreux stades de l’élaboration du vin pour protéger les bactéries, de l’oxydation et le stabiliser. Le souffre acheté, en grande majorité par les domaines, est un produit de synthèse issu de l’industrie pétrochimique, de plus en plus de vigneron vont vers du souffre naturel (minier ou volcanique).

– Comment lire les étiquettes entre AOP (AOC), IGP, Vin de France, Nature, bio, Demeter et Vegan ? Choisir du bio pour du bio quand on ne connait pas le vigneron et son terroir, n’est-ce pas trop dogmatique ?

Ce qui compte c’est le vigneron avant tout. Effectivement, acheter du Bio juste parce qu’il y a marqué Bio, cela n’a aucun sens si on ne connaît pas le domaine c’est aussi absurde qu’acheter des tomates Bio en hiver. L’engouement du « mieux mais moins » dans le vin n’est pas que lié à une appellation, un domaine en Bio ne fait pas tout. En effet, il s’agit de mieux consommer en sachant ce que l’on consomme.

Pour aller plus loin :

Sur le terrain :

– Chercher un club de dégustation de ce type et autres : le club des dégustateurs, la winnerie parisienne.

– Aller dans un bar à vin bio qu’on peut trouver avec l’application Raisin

– Aller visiter des vignerons en particulier ceux reconnus en vin nature comme Olivier Pithon installé à Calce et Didier Barral dans le Languedoc.

Sur Internet :

– Le blog : C’est ma tournée !

Les maisons Castel et la chaine Nicolas

Livres :

– Isabelle Legeron, Le vin nature, Eyrolles, Paris, 2017

Soif d’aujourd’hui, la compile des vignerons au naturels

Films et documentaires :

Cash impact. Pesticides, notre santé en danger d’Elisabeth Drévillon diffusé le 27 février 2018

The Vine calling (2018) de Bruno Sauvard à la découverte des nouveaux vignerons pas comme les autres.

Mondovino (2004) de Jonathan Nossiter y montrant le combat inégal entre petits vignerons bio défendant leur terroir et leurs pratiques ancestrales face aux géants de la viticulture mondialisée, dopée à la finance, à la technologie et à la chimie. On y voit notamment la « machine parker » qui montre la désinformation d’un chroniquer critique du vin américain au profit de vins aux gouts modifiés et technologiques.

 

Quelques principes de vinification :

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