Ils ont hissé les voiles, et nous, au bord du quai, les avons salués, témoins fiers et émus de l’œuvre de nos amis, de nos frères, partis pour un an, rejoindre les mers du Nord. Sous un soleil radieux, le joyeux équipage de la mission Nerrivik n’attendait que cette heure, où, laissant derrière lui, le confort de la terre, il partirait affronter celle qui rarement pardonne, quand elle se déchaine. Dans leur motivation, ils portaient simplement un désir d’aventure, brut et sans artifices, reflet des caractères de ces cinq amis.

Fuyant l’orgueil ou les démonstrations, le moment du départ témoignait à lui seul du triple engagement, riche, mais sobrement pensé. D’abord, l’audace de vivre leur pari aux côtés d’autres jeunes, membres de l’association « Le Rocher – Oasis des Cités ». Animés par l’importance de l’exemple et du partage, ils ont pris sous leurs voiles Farès et Inès, ouvrant des horizons qu’ils savaient rétrécis par des fragilités sociales et culturelles. Jusqu’en Espagne, ils seront rejoints par d’autres volontaires. Une idée folle motivée par l’envie de transmettre leur passion de la voile et de rapprocher concrètement ces jeunes d’une mer qu’ils voient s’étendre sous leurs yeux quotidiennement. Portés par l’idée que l’écologie ne doit pas rester entre les mains des scientifiques et des spécialistes », ils prouveront à leurs camarades de bord que l’action de chacun est attendue pour entamer une transition écologique nécessaire. Par ailleurs, ils seront suivis par plusieurs classes d’élèves toulonnais, afin que découvertes et savoirs profitent aux plus petits. Apprendre par l’exemple, en suivant les pas de cinq aventuriers, assis avant eux à leur place.

Océan, montre-moi ce que je ne veux voir

Le deuxième pilier de l’ambitieuse année est un engagement scientifique et écologique, mis en œuvre par une coopération avec l’ONG « The Ocean Clean Up » et l’association « Astrolabe Expedition ». Par ces liens tissés, l’équipage s’est donné une liste de devoirs bien fournie. Ils réaliseront d’une part des prélèvements réguliers pour l’étude de la pollution plastique, des population d’ichtyo-plancton et des bactéries bioluminescentes. D’autre part, ils seront un relai précieux pour « Météo France » par leurs mesures des courants marins et le déploiement de bouées dérivantes. Produits concrets d’une « science participative », ces études des eaux glaciales du Groenland, bassins privilégiés d’une accumulation de micro-plastique, les rappelleront aux conséquences désastreuses d’une surproduction de masse et d’un modèle destructeur à large échelle.

Au-delà de ce double objectif, social et scientifique, le projet a germé sur les aspirations de chacun d’étancher une soif de grand, de vrai et de beau, en somme, d’absolu. Nés dans la rade de Toulon, ils l’ont quittée pour la haute mer, afin de se découvrir capables, utiles, mais aussi limités face à une nature partiellement domptable. La pauvreté paradoxale de nos vies modernes, remplies de « biens » consommés mais vides de sens, permet de comprendre l’appel du large qu’ont pris au mot Gauthier, Victor, Pierre-Alexandre, Thibault et Temanu. Refusant le rapport consommateur-passif actuel, ils seront, par les manipulations quotidiennes, la pêche, les discussions ou la contemplation, dans un rapport actif et authentique, entre eux et vis à vis de la nature. Délivrés des objets superflus ou des assistances quotidiennes, ils avanceront grâce à leurs savoirs, leurs corps en exercice et la coque en acier d’un deux mats de quarante pieds aux couleurs de leur ville.

« Percez la coque du fruit sacré »

Après des mois de préparation et de travaux sur « Bernick », leur compagnon de navigation, et plusieurs sorties en mer pour en tester la résistance, le jour du départ n’est pourtant pas celui de la perfection et du « prêt-à-naviguer ». Abandonnant à Dieu leurs incertitudes techniques ou psychologiques, ils ont largué les amarres. Restés à terre, en communion, nous leur souhaitons de vivre, comme mille qui les ont précédés, le dialogue mystérieux de l’homme face à la mer. S’il est possible de s’imaginer les joies et peines qu’ils connaitront à bord, plus abstrait est le chemin intérieur qu’ils connaitront peut-être à travers leur périple. Au-delà des familles et amis, ils ont laissé à quai une caméra de BFM TV, qui, soulevant la beauté du projet, aura peut-être compris l’urgence, la réaction, le refus du modèle qu’on leur propose et la profondeur auxquelles ces marins appellent et aspirent. À l’image des mots d’envoi de leur père spirituel, puissent-ils « percer la coque du fruit sacré et s’enivrer de son nectar divin », et revenir chargés de cadeaux : d’idées, de transmission et de bon sens.

Pour suivre leur aventure, rendez-vous sur leur site ou sur Facebook.