Il y a quarante ans mourait Oscar Romero, l’archevêque du San Salvador. Le 24 mars 1980, pendant la guerre civile du Salvador, il est assassiné en pleine messe par des miliciens d’extrême-droite, mandatés par le pouvoir en place. Une balle en plein cœur.

La veille de son assassinat, lors d’un sermon à la Basilique du Sacré-Cœur de San Salvador, il dénonçait les exactions perpétrées par la Junte militaire et lançait un appel aux soldats de son pays : « Un soldat n’est pas obligé d’obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter. Il est temps de revenir à votre conscience et d’obéir à votre conscience plutôt qu’à l’ordre du péché. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, dont les lamentations montent jusqu’au ciel et sont chaque jour plus fortes, je vous prie, je vous supplie, je vous l’ordonne, au nom de Dieu : Arrêtez la répression ! »

Une foi au service des pauvres

Considéré comme conservateur, sa nomination est dans un premier temps bien accueillie par le pouvoir salvadorien. Mais quelques semaines plus tard, le 12 mars 1977, son ami, le jésuite Rutilio Grande, est assassiné par un escadron de la mort. Bouleversé, le jeune archevêque se convertit. Il devient un fervent combattant de la pauvreté et de la violence. Dans un discours à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, il lance : « le monde des pauvres nous apprend que la libération arrivera non seulement quand les pauvres seront les destinataires privilégiés des attentions des gouvernements et de l’Église, mais bien quand ils seront les acteurs et les protagonistes de leur propre lutte et de leur libération en démasquant ainsi la dernière racine des faux paternalismes, même ceux de l’Église ».

Il n’hésite pas à critiquer tous ceux qui se trouvent du côté des puissants. En voyage en Europe, il rencontre le pape Jean-Paul II, avec qui il évoque la situation de son pays. Il note que ce n’est pas l’Eglise dans son ensemble qui est en danger au Salavador : « Est attaquée ou persécutée cette partie de l’Église qui s’est mise aux côtés du peuple et se pose en défenseur du peuple. Ici aussi, se trouve la même clé d’explication de la persécution de l’Église : les pauvres. »

Communication 1.0

Pour dénoncer l’injustice sociale et les violences faites aux opposants de la Junte, l’archevêque se branche sur les ondes. Parlant au nom de tous ceux qui ne peuvent s’exprimer, il est rapidement reconnu comme « la Voix des sans-voix ». Sa parole est accueillie comme une véritable bonne nouvelle au milieu de la propagande gouvernementale. Yves Carrier souligne dans son livre, Le discours homilétique de Monseigneur Oscar A. Romero : les exigences historiques du salut-libération, que les homélies d’Oscar Romero sont un véritable phénomène médiatique et rassemblent des millions d’auditeurs sur la radio diocésaine : « Certains sondages de l’époque font état d’une cote d’écoute de plus de 70% de la population du Salvador ; même ses détracteurs l’écoutent dans l’espoir de débusquer les failles ou les fautes par rapport à l’orthodoxie dont font état les dénonciations dont il fait l’objet. »

En 2007, après des années de réflexion, le pape Benoît XVI se prononce en faveur de la béatification de ce témoin de la foi. Dans son pays d’origine, Monseigneur Romero reste une figure de la théologie de la libération, quand l’Eglise romaine souligne la portée spirituelle de ses homélies. Le 14 octobre 2018, après que la commission des théologiens de la Congrégation des causes des saints a reconnu à l’unanimité que l’archevêque de San Salvador a bien été tué en martyr, le pape argentin le canonise. 


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