Folklorique, réac’, chauvin… L’intérêt pour les cultures régionales n’a pas bonne presse. On peut pourtant y puiser les ferments d’un amour universel.

Qu’est-ce qui, pour vous, va de pair avec les vacances d’été ? Mojitos sur la plage ? Grandes tablées en famille suivies d’une sieste digestive ? Excursions en montagne ?

Si vous vous posez la question, c’est que vous faites partie des 53 % de la population (selon l’Observatoire des Inégalités) qui ont les moyens financiers et le réseau familial ou amical suffisant pour partir en vacances.

Notre vision des vacances, renforcée à grands coups de marketing, est celle d’une classe urbaine ou périurbaine et plutôt aisée. De celle-ci découle une vision de « nos régions » comme des endroits où fleurissent des marchés de produits locaux et d’artisanat et des manifestations folkloriques.

Régionalisme consommable

Après une année scolaire à prendre les transports en commun franciliens matin et soir, je n’ai pas trop à me faire prier pour aller au festival de Cornouaille quand nous séjournons chez mes beaux- parents dans le Finistère. Je suis néanmoins consciente que dans certains esprits se fait tout naturellement la division entre un mode de vie urbain et actif, tourné vers le présent, et un passé campagnard et folklorique qui n’a d’intérêt qu’à des périodes bien définies, majoritairement en été.

Le reste du temps, ce régionalisme que nous trouvons si divertissant et inoffensif quand il est consommable devient une menace pour la République, voire un retour en arrière mortifère. On a beaucoup débattu sur les langues régionales ces derniers temps, mais d’autres marqueurs régionaux semblent définitivement voués aux oubliettes. Pourquoi avons-nous donc abandonné les habits traditionnels, ou la décoration de meubles et de céramique ? Pourquoi personne ne milite pour que les savoir-faire locaux intègrent les cursus scolaires ? Pourquoi considérons-nous cet embellissement des choses du quotidien superflu, voire carrément inutile ?

Dans le dernier numéro de Limite, Marianne Durano remettait en question dans son édito la maison devenue catalogue Ikea, pensée pour un confort sans âme qui laisse la place belle à une vie passée sur les écrans. Il suf- fit de troquer ledit catalogue pour un livre comme Folk Art of Europe (Helmuth Bossert, Éditions Rizzoli, 1990) pour se rendre compte de tout ce que nous avons perdu, et continuerons de perdre, si nous ne réfléchissons pas à l’impact de cette esthétique aseptisée, produite et achetée à la chaîne, qui est désormais devenue la norme.

Identité contre anonymat

Les costumes et les décorations traditionnelles, ancrées dans un savoir-faire local, seraient un frein à l’expression de l’individualité, une chape de plomb incompatible avec la modernité. Dans ma belle-famille finistérienne, personne n’a gardé les dentelles et les broderies des aïeules, et mes quelques questions à ce propos sont restées sans réponse claire pour l’instant, mais j’ai cru percevoir que cela s’est fait en même temps qu’un rejet du catholicisme comme ordre social arbitraire et étouffant dont il fallait se défaire. […]

Cet extrait est tiré d’un article publié dans le dernier numéro de la revue Limite. Le numéro 23 est à commander dans toutes les bonnes librairies ou en ligne sur le site de notre éditeur. Si vous aimez Limite, qu’attendez-vous pour vous abonner ?