Le contraire de « manuel » est-il « intellectuel » ? Cette fausse opposition conduit bien des fois à des mauvaises appréhensions des travaux manuels. Et il omet une chose fondamentale : nous vivons moins dans une société peuplée d’intellectuels qu’un open space grouillant de « virtuels ».

« Il est plutôt manuel qu’intellectuel. » Qui n’a pas déjà entendu cette réflexion, à propos d’un jeune qui ne réussit pas vraiment à l’école, ou au détour d’une blague de mauvais goût ? Elle paraît anodine mais c’est tout le contraire, puisqu’elle renvoie à un lieu commun fondamental de notre système de pensée : il y a ceux qui lisent, réfléchissent, décident et dirigent, puis il y a ceux qui œuvrent, façonnent, suivent et obéissent.

Rien ne pourrait être plus faux. Tout d’abord, je défie quiconque de visiter le musée des Arts et Métiers à Paris et tirer la conclusion que les chefs-d’œuvre de l’exposition permanente ont été réalisées par des personnes qui ne réfléchissent pas. Ensuite, si la devise ora et labora est venue à représenter la règle de vie des moines bénédictins, c’est bien que le travail manuel fût considéré comme complémentaire à la méditation, à la lecture et à la prière. À l’époque médiévale, c’était une idée révolutionnaire ; aujourd’hui, il n’y a qu’à constater la place des travaux manuels dans notre système éducatif pour se dire qu’elle est loin d’avoir fait son chemin.

Si l’on cherche désespérément une catégorie à opposer au travail des mains, il me semble qu’il faudrait plutôt se tourner du côté du virtuel, qui n’est pas une capacité à l’abstraction mais une abstraction tout court. Et vous, vous êtes plutôt manuel ou virtuel ?

L’ère du tout-virtuel 

Avant qu’on me traite de néo-luddite, il va sans dire que j’utilise beaucoup d’appareils digitaux dans mon quotidien. N’étant pas passionnée de photographie, je me contente amplement de la caméra de mon portable et je ne regrette pas particulièrement l’époque où il fallait déposer sa pellicule dans une boutique, attendre une semaine, puis récupérer un paquet de photos en double dont certaines étaient lamentablement ratées. Idem pour l’écriture : malgré mes rêves de gamine où je me voyais dans une chambre de bonne à griffonner ou taper à la machine à écrire, tard dans la nuit, les lignes que vous lisez présentement ont été tapées à l’ordinateur, ce qui est infiniment plus simple quand il s’agit de faire des corrections ou des copier-coller, et infiniment plus rapide à envoyer à la rédaction de notre revue préférée. […]

Cet article est à retrouver en intégralité dans le 22ème numéro de la revue Limite. Commandez-le !

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