« L’Amazonie bien-aimée se présente au monde dans toute sa splendeur, son drame et son mystère.» Dans un magnifique texte parsemé de poèmes sud-américains, le pontife rappelle que le christianisme ne saurait se passer de créativité.


La nouvelle exhortation apostolique du pape François est la fille de l’encyclique Laudato Si’ : le pontife y rappelle, en rapportant son « rêve amazonien » qu’une conversion est toujours possible. Elle n’est pas un « environnementalisme » déconnecté des réalités mais une conversion intégrale. Le bassin de l’Amazone, lieu d’expérimentation choisi et aimé tendrement par le successeur de Pierre s’est trouvé être, sans surprise, un cadre idéal pour voir se déployer la réflexion du pontife. D’abord parce que l’Amazonie est ce lieu où le « lien ténu » qui unit l’homme et la nature est évident plus que partout ailleurs. Ensuite parce qu’après un temps de tassement à la fin des années 2000, l’humanité semble avoir repris conscience du « drame » décrit de longue date qui se joue dans la forêt primaire. Enfin parce qu’à la problématique écologique (la destruction de la forêt et de la biosphère) s’ajoute une thématique sociale (la pression exercée sur les populations de l’Amazonie), culturelle (la préservation des racines de ces mêmes peuples) et enfin une thématique ecclésiale. Et donc une opportunité de montrer aux sceptiques, une fois de plus, que « tout est lié ».


Beaucoup se sont demandés ce qui pouvait bien unir la défense de la forêt amazonienne et la question du manque de prêtres dans les communautés chrétiennes de la région. La tentation à laquelle nombre de médias ont succombé à été de séparer les sujets, comme si l’écologie n’était qu’une marotte pour le pape François ; et au final de ne parler que des « viri probati » – ces hommes mariés d’âge mûr que les participants du synode romain avaient proposé comme solution au pape François. Ne nous trompons pas : cette question est très importante, et l’évêque de Rome a fait savoir qu’il avait vraiment mûri sa réponse. Mais s’il s’y est opposé, avec de remarquables arguments, c’est aussi parce qu’il ne voit pas en quoi cette solution toute faite, ce réformisme venu d’en haut pourrait véritablement apporter le changement radical que demandent les Amazoniens. La vérité de Rome demeure, certes, mais la vérité amazonienne n’est pas à Rome, affirme le pape François. La solution est dans la banlieue de Manaus ou dans ce bras oublié du fleuve de tous les fleuves. La synodalité ne doit pas synthétiser les oppositions, elle doit la sublimer. L’Amazonie porte en elle sa propre créativité et sa propre solution, mais aussi une solution qui rejaillira sur le reste du monde. Reste à la chercher activement. C’est là le secret, le drame et la splendeur immense de la chère Amazonie dont rêve le pape François.

de notre correspondant permanent au Vatican, Camille Dalmas.