Malgré son ancrage certain dans les esprits et les discours, la libération sexuelle ne donne pas les résultats que l’on imagine. Le nombre moyen annuel de rapports sexuels dans la population adulte a baissé de près de 20 % en vingt ans. Plusieurs enquêtes édifiantes montrent que tout le terrain des relations amoureuses s’est modifié sous l’effet des nouvelles technologies. De tabou, les relations sexuelles sont passées à banales. Et de banales, elles sont devenues obsolètes. Enquête et analyse d’une récession inédite.

Vous avez sans doute eu l’occasion de ricaner de l’étrange situation du Japon, pays de vieillards et de puceaux si absorbés par leur travail, leurs mangas et leurs poupées gonflables qu’ils en oublient de coucher avec de vrais humains, se marier, et a fortiori faire des enfants. Une exception culturelle exotique, qui ne nous concerne guère? Pas si sûr. Car dans l’ensemble du monde occidental, les statistiques sont formelles: l’activité sexuelle, et en particulier celle des plus jeunes, montre des signes de déclin. Aux états-Unis, l’affaire fait les gros titres, dans les journaux les plus sérieux. « récession sexuelle », affichait en décembre le périodique culturel The Atlantic. Malgré sa victoire incontestable dans les esprits et les discours, la libération sexuelle ne donne pas, sur le terrain, les résultats que l’on imagine.

L’heure n’est plus à rétablir l’ordre moral dans une société sexuellement débridée, mais à souffler sur les braises d’une société sexuellement déprimée.

Le nombre moyen annuel de rapports sexuels dans la population adulte a baissé de près de 20 % en vingt ans, selon les chiffres fournis par le General Social Survey, enquête sociologique de référence de l’Université de Chicago. L’évolution est spécialement marquée chez les jeunes: à 17 ans, ils ne sont plus que 40 % à avoir déjà fait l’amour, contre 54 % en 1991. Le recul concerne plus encore les relations amoureuses. D’après l’institut Pew, en 1995, 70 % des jeunes de 17 ans déclaraient avoir déjà eu une « relation romantique spéciale ». En 2014, ils n’étaient plus que 46 %. De l’Australie aux Pays-Bas, en passant par la Finlande ou l’Angleterre, tous les pays occidentaux qui produisent des statistiques sur l’activité sexuelle enregistrent des tendances semblables. L’heure n’est plus à rétablir l’ordre moral dans une société sexuellement débridée, mais à souffler sur les braises d’une société sexuellement déprimée.

Célibataires, libres mais coincés quand même

Les statisticiens sont formels, le premier facteur de la récession sexuelle est le recul de la conjugalité. À force d’entendre que le mariage est le cercueil de la sexualité, on oublierait que le non-mariage est plutôt pire. C’est d’abord une simple question de logistique: celle d’avoir sous la main quelqu’un qui, a priori, veut bien coucher avec vous. à âge égal, les célibataires font en moyenne l’amour moitié moins souvent que les couples. Or, ils sont de plus en plus nombreux, l’augmentation des unions libres ne com- pensant pas la baisse des mariages. Mise en couple plus tardive, relations plus fragiles et ruptures plus fréquentes: les gens sans partenaire régulier sont légion, à tous les âges de la vie. Ceux-là sont, en théorie, libres de toutes les aventures. Pourtant ils restent plus souvent qu’on ne croit dans leurs pantoufles.

Les statisticiens sont formels, le premier facteur de la récession sexuelle est le recul de la conjugalité. À force d’entendre que le mariage est le cercueil de la sexualité, on oublierait que le non-mariage est plutôt pire.

Multiplier les coups d’un soir n’est pas si facile, ni motivant, tant le plaisir dépend de la bonne connaissance de son partenaire. Lors d’un premier rapport avec un homme, seulement 11 % des femme déclarent avoir eu un orgasme. La même question à propos de leur dernier rapport sexuel, dans le cadre d’une relation établie, donne 67 % d’orgasme. Les célibataires lassés rejoindront les rangs de plus en plus fournis des abstinents : parmi les jeunes adultes Américains, leur nombre a plus que doublé en 20 ans.

[Il vous reste 80% à lire !]

Pour lire la suite du quatorzième numéro de la revue Limite, rendez-vous en ligne ou en librairie (liste des 250 points de vente).

 

En vous abonnant vous soutiendrez la première revue d’écologie intégrale !