Plancher sur un programme concret de décroissance. C’est la mission du think-thank Shift Project que dirige Jean-Marc Jancovici. Cet ingénieur polytechnicien, activiste engagé contre le changement climatique, prévoit notamment “une contraction de l’économie” inexorable, à savoir une baisse choisie ou imposée de nos activités de production. À l’échelle politique, comme de la société, son discours reste inaudible… Dans le dernier numéro de notre revue, Jean-Marc Jancovici nous explique pourquoi. Extrait.

PROPOS RECUEILLIS PAR EUGÉNIE LE QUÉRÉ / ILLUSTRATIONS DE CAMILLE PATUREAU

La décroissance est le seul choix possible pour stabiliser le climat, et par ailleurs elle nous est imposée par les contraintes sur les matières premières et sur l’énergie. Mais est-ce l’un ou l’autre ? Vous jouez sur deux tableaux…

J’assume cette ambivalence, les deux sont vrais, mais j’adapte en fonction de l’auditoire. La décroissance comme choix politique, c’est inaudible. Dans les sphères dirigeantes, le choix est impossible pour la raison simple qu’il n’y a pas de plan B. Les élus se font élire en promettant toujours plus de tout à tout le monde. Quand on dit que leurs recettes vont baisser, ils ne veulent pas en entendre parler. C’est à peu près aussi simple que ça. Donc à ceux-là, je dis que de toute façon, on ne va pas y échapper. Si vous ne voulez pas en tenir compte, vous vous condamnez à faire des plans qui ne se réaliseront pas, et les déceptions feront monter les populismes. On ne peut pas violer les faits. On paie maintenant ou on paiera plus tard, mais qu’on le veuille ou non, la contraction de l’économie est un fait qui s’impose à nous. Donc les dirigeants doivent le préparer, l’organiser, et développer là-dessus un discours porteur de sens.

Et en dehors des sphères dirigeantes, c’est audible ?

Non plus. La première préoccupation des Français, sondage après sondage, c’est le pouvoir d’achat. Or, nonobstant la question de l’équité, même le niveau de vie d’un Smicard d’aujourd’hui n’est pas durable sur une planète à 8 milliards d’individus. Le drame politique, il est là. 

Mais l’écrasante majorité des économistes continuent à parler de la croissance comme d’une évidence… Même les scénarios du GIEC sont des scénarios de croissance. Qu’est-ce qu’ils ont tous ? 

Ils ont tous la même boîte à outils. La science économique repose toute entière sur une approximation de premier ordre faite il y a deux siècles : que les facteurs physiques, les matières premières, l’énergie, ne sont jamais des facteurs limitants par rapport aux facteurs humains, le capital et le travail. Mais le monde a changé et cette approximation n’est plus valable. Les économistes qui continuent à l’utiliser sont incapables de rendre compte de la situation actuelle, et encore moins de ce qui nous attend.

Il doit bien y avoir des exceptions ?

Très peu. Je pourrais citer…

La suite de l’entretien est disponible dans la revue Limite n°26 « Débranchez le progrès » à retrouver en kiosque. 98p. 12€