Tout juste installés comme néo-ruraux en Seine-et-Marne, un premier défi de taille se présente à nous : notre terre, que nous espérions moelleuse, est dure comme du béton. Comment trouver de l’eau ?

Nous sommes en mai 2020 et nous marchons sur notre prairie seine-et-marnaise un peu comme Neil Armstrong sur la Lune. Heureux d’être là suite à des années d’efforts, de travail et d’hésitations. Nous sommes aussi aux aguets, inquiets et observateurs. Comment est le sol ? Fertile ? Nous prenons justement une bêche à pleine main pour y faire un bon trou. Je saute dessus vigoureusement, je m’enfonce à peine. Le sol est sec, presque dur comme du béton… Après cet hiver si pluvieux ! La surprise est complète. La prairie en poussant a pompé l’eau hivernale. Le confinement beau et sec a fini le travail.

Nous imaginions pouvoir faire une culture de courges sur bâche et sans irrigation comme certains de nos mentors le font. Aujourd’hui, ici, à Forges, avec nos connaissances agronomiques, c’est visiblement impossible.

L’espoir est une courge

Cette culture de courges représentait notre espoir : culture facile à faire pousser (parfaite pour des maraîchers débutants comme nous), culture très espacée (parfaite pour détruire la praire avec une bâche tout en ayant une culture par-dessus), culture pouvant se conserver plusieurs mois (parfaite pour nous qui débutons notre commercialisation). Nous pensions être reliés à l’eau du réseau mais suite à la Covid-19, l’entreprise de raccordement est aux abonnés absents. Qu’allons-nous pouvoir produire ? 2020 va-t-elle être une année blanche ? Serons-nous comme le Jean de Florette de Pagnol, pleins de rêves paysans mais finalement endettés et sans eau ? Que devons-nous faire ? Nous nous sentons seuls et démunis… La culture de courges est en suspens et nos revenus 2020 avec.

Nous décidons alors de ne pas nous laisser abattre et de préparer notre saison 2021 en occultant la prairie pour préparer le sol. « épuiser » une
prairie avec une bâche nécessite au moins 6 mois de printemps et d’été. À l’hiver ou au printemps prochain, lorsque nous enlèverons la bâche, les organismes vivants du sol auront mangé la prairie, il ne restera qu’une terre à nue et grumeleuse, prête à être semée ou plantée sans autre travail : avec ou sans eau, cette stratégie de bâches demeure.

Nous sommes aux Courreaux, c’est-à-dire là où court l’eau !

Alors que nous sommes en train d’étendre nos 8 000 m2 de bâche, un voisin arrête son utilitaire en bordure du champ et nous invite à discuter. Nous sommes surchargés de travail mais nous apprécions rencontrer nos voisins. Il nous parle de son puits creusé il y a presque une décennie. C’est alors qu’il ajoute : « Les jeunes, si vous avez besoin d’eau, je peux vous en construire un dans la semaine. Où vous voulez sur votre parcelle. Nous sommes aux Courreaux, c’est-à-dire là où court l’eau ! » Nous y croyons à peine… Dans la soirée, après une rapide étude de marché et des autorisations nécessaires : « Allô Monsieur X, samedi prochain, vous êtes disponible ? »

Que l’eau jaillisse !

À l’heure convenue, il est là, avec sa pelle mécanique et son bras de cinq mètres. Il nous rassure : « On devrait avoir atteint l’eau avant… » Deux mètres, trois mètres, puis quatre… toujours rien. Je m’acharne sur les bâches, Arthur surveille le chantier. Il vient me voir, les traits tirés : « Toujours pas d’eau… » Et puis, à 4,20 mètres, l’eau jaillit… Soulagement immense ! Adieu sécheresse, bonjour irrigation et donc culture de courges dès cette année !

Nous tirons deux leçons de cette expérience qui a changé notre saison : créer des liens avec ses voisins est précieux et se renseigner sur les spécificités du lieu où l’on va cultiver peut ouvrir des horizons. Nous ne sommes pas « hors-sol ».

Cet article est extrait du dernier numéro de la Revue Limite. Vous pouvez vous le procurer en ligne juste ici. Et si vous appréciez la lecture de la première revue d’écologie intégrale, n’hésitez plus, abonnez-vous !

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