Dans un monde rétréci par les progrès techniques, les réserves naturelles fondent comme neige au soleil. Plus que jamais, nous vivons le temps du monde fini, et plus que jamais nous semblons l’ignorer. Partout, on creuse, on pille, on bétonne, ravageant au passage de précieux écosystèmes. À l’heure où pour la première fois de l’histoire la majorité des humains vit en ville, la nature a-t-elle encore un avenir ?

LAISSE BÉTON, ON PEUT PLUS RIEN CONSTRUIRE !

Eau, biodiversité, matières premières, énergies fossiles, toutes les ressources fichent le camp, dévorées par l’insatiable ogre Croissance. Pire : la terre, c’est-à-dire l’espace, fait de même. La bétonnière géante l’avale et ne la recrache plus. À ce jour, environ 10 % du territoire
métropolitain est artificialisé. De sources très officielles (ministère de l’Agriculture), le béton s’est étendu de la sorte de 93 000 hectares par an, sur la période 2006-2009. Cela ne vous dit rien ? Cela signifie qu’une surface de terres agricoles ou de milieux naturels équivalant à un département français moyen disparaît tous les sept ans. Sur la période 1992-2003, ce n’était « que » tous les dix ans ; c’est-à-dire qu’en un siècle, on aurait transformé en une immense banlieue l’étendue de Rhône-Alpes-Auvergne. À présent, pour le même prix, on engloberait aussi le Limousin. Et demain ? Car le rythme continue de croître, tandis que nos entrepreneurs contrariés soutiennent, sans rire, « qu’avec
tous ces écolos on ne peut plus rien construire dans ce pays ».
Nos villes enflent, et de mauvaise graisse. Le gros de cette artificialisation nouvelle ? Le « tissu urbain
discontinu » : zones d’activité, zones commerciales, banlieues pavillonnaires et toute la toile d’araignée des rocades, ronds-points et voiries en tous sens qui desservent ces flaques de béton. Cette occupation du sol, étant moins dense que celle de la ville, est beaucoup plus gourmande en terres. Pour la même population, le même volume d’activité, il faut en tartiner bien davantage.

C’est le moment où l’on vous rétorque : « mais enfin, il faut bien loger toute cette croissance de population. » Laquelle ? La population française n’augmente que de 0,5 % par an ; celle des surfaces bétonnées, de 3 %, chiffre en constante augmentation. Cherchez l’erreur. Elle est, au fond, très simple : la France, décideurs publics et privés confondus, reste une fanatique de la métropole.
De cet entassement forcené est censé résulter la Lumière, le Développement. Au XIXe siècle, on comprenait la concentration des mines et des aciéries. Au siècle de la fibre optique, on en reste perplexe. Mais pas de questions ! Il faut atteindre la taille critique européenne. C’est-à-dire Londres ? Rotterdam ? Stockholm ? Qu’importe, il s’agit de grossir. Quelle est la taille critique ?
Davantage, c’est tout.

La suite est dans le premier numéro de Limite !