Lundi 15 avril, l’âme de la France s’est fait brasier. Sous le ciel limpide et tranquille d’une soirée d’avril, le spectacle, terrible, de Notre-Dame de Paris avalée par les flammes inexorables, se grave dans les mémoires. Les cœurs à Limite sont lourds. Dans le métro parisien, les visages sont assombris. Les regards échangés dans les rues de la capitale sont emplis de peine. La joie de la célébration des Rameaux de dimanche a laissé place à la tourmente de la semaine sainte annonçant Pâques.

« J’ai vu la flèche s’effondrer. C’était traumatisant » raconte, peiné, un étudiant présent sur la place Saint Michel face au parvis de la cathédrale, lundi soir. Notre-Dame de Paris, haut lieu de chrétienté. Notre-Dame, tranquille madone de la fille aînée de l’Eglise. Notre-Dame, rayonnant visage de l’art et de l’artisanat. Notre-Dame, écrin d’histoire. Notre-Dame, cœur de Paris, cœur de France. La lyrique Notre-Dame de Victor Hugo, la fervente Notre-Dame de la Sainte Couronne et de Saint Louis, celle, somptueuse, du sacre de Napoléon, celle, aux cloches conquérantes sonnant la libération en 1944.  Siècle après siècle, ne jetait-elle pas un regard paresseux aux hommes de passage du haut de ses vertigineux élans au ciel ?

Peut-être fallait-il à la France cette tragédie. Le consensus est frappant. Médias, hommes politiques, hommes d’Eglise, anonymes d’internet pleurent d’un même cœur un joyau en partie disparu. Sur les réseaux sociaux, ne circulent plus que des photographies de la cathédrale parisienne. Il fallait aux Français une Notre-Dame en feu pour apprendre qu’on ne vit pas sans racines. L’homme mondialisé, hors sol, en prend un coup. On lit dans les inquiétudes des Français, le désir soudain de faire corps dans une nation et de s’inscrire dans une filiation historique. Une première réponse à l’appel de Gaultier Bès à s’enraciner ? Son constat dressé dans Radicalisons-nous paraît caduque dans le sentimentalisme populaire du jour : « On peut craindre en effet que la France ne soit plus qu’un arbre creux tant cette vieille nation politique semble avoir perdu toute espérance collective, tout sens de la république, cette chose commune, ce souci du commun qui devrait en être l’horizon quotidien ». Les mots du père de Menthière, prédicateur des conférences de carême à Notre-Dame de Paris évoquent la réaction populaire : « Une mystérieuse communion semblait régner enfin sur ce peuple de France dont les mois écoulés avaient si tristement montré au monde le morcellement et les fractures. Cette unité qu’un message présidentiel, prévu le même soir, n’aurait probablement pas réussi à renouer, Notre-Dame, la Vierge Sainte, l’accomplissait sous nos yeux éberlués. Et si c’était encore une fois l’intervention surnaturelle de la Mère de Dieu qui redonnait à notre cher et vieux pays l’élan de l’espérance ? ».

Au-delà de l’esprit patriote, c’est le cœur catholique qui souffre pour nombre de fidèles. Lundi soir, regards fixés sur l’édifice en feu, une centaine de personnes réunies spontanément lancent au ciel des Je vous salue Marie. « Au départ, on n’était que deux à chanter » témoigne un jeune homme, impressionné par la ferveur avec laquelle la place Saint Michel s’est mise à prier. Le lendemain, l’expérience se renouvelle par l’organisation d’une veillée de prière et de chants qui réunit des centaines de catholiques sur cette même place, à l’appel d’une page humoristique d’un groupe scout sur Facebook. Dans toute la France, l’oraison s’organise. Reconnaissance et angoisse mêlées. Dans la nuit déroutante d’un deuil catholique et français, l’espérance de Pâques s’apprête à poindre.