Cette semaine, l’actualité de long cours que je voudrais aborder, c’est celle de la domination managériale. Permettez-moi de vous faire la courte échelle vers le livre passionnant d’un jeune chercheur en sciences humaines, Thibault Le Texier, intitulé Le Maniement des hommes. Publié en janvier 2016 aux éditions La Découverte, cet « essai sur la rationalité managériale » explore le triomphe de cette doctrine fondée sur l’optimisation, depuis l’organisation domestique jusqu’au pragmatisme gouvernemental en passant par la gestion d’entreprise ou le self-benchmarking.
« Regardons autour de nous, annonce l’auteur. À quoi ressemble notre monde, sinon à un continuum fonctionnel d’appareils, d’organisations et de managers ? Depuis un siècle, tandis que la critique vilipendait le capitalisme et l’État, la gestion, subrepticement, s’est immiscée partout.
Ainsi manageons-nous aujourd’hui les entreprises et leurs salariés, mais aussi les écoles, les hôpitaux, les villes, la nature, les enfants, les émotions, les désirs, etc.
De moins en moins tributaire de la loi et du capital, le gouvernement des individus est toujours davantage une tâche de rationalisation et de contrôle. Ce livre montre comment cette doctrine a pu si rapidement conquérir les consciences, et comment l’entreprise a pris des mains de l’État et de la famille la plupart des tâches nécessaires à notre survie. »
Dans ce passionnant essai, Thibault Le Texier donne la parole aux fondateurs du management moderne, à commencer par Taylor et Ford, les deux grands industriels américains théoriciens de l’organisation scientifique du travail. Taylor résumait ainsi en 1911 la soumission du travailleur à son usine : « Dans le passé, l’homme était premier ; désormais c’est le système qui doit l’être ». En fait, « derrière le concept de management, on trouve l’idée de progrès » par la technique. Réduisant l’individu à une matière malléable, le culte de l’efficacité « arrache ses sujets à l’ordre du divin et de la nature pour les inscrire dans celui de la machine ».
La force de ce livre extrêmement bien documenté, c’est qu’il montre que cette idéologie de la performance se déploie dans tous les domaines de notre vie, des plus anecdotiques jusqu’aux plus tragiques. Le management, loin de s’arrêter aux portes de l’usine ou du bureau, a envahi l’espace public comme l’intimité des personnes. Thibault Le Texier ne se contente en effet pas d’étudier l’emprise croissante des gestionnaires sur les salariés. Il révèle de quelle manière on plie le langage à la logique managériale, de quelle manière on supervise et contrôle les consommateurs autant que les employés, de quelle manière en somme on administre les êtres comme des choses, les personnes comme des produits. Voilà pourquoi, conclut l’auteur, « sous régime managérial, l’artefact ne remplace pas l’humain : il le gouverne » (p. 174).
Un peu plus loin, il montre comment, en régime capitaliste, l’individu est chaque jour sommé, à travers le discours des coachs ou la publicité, d’être « son propre créateur », de devenir « le leader de soi-même », « le PDG de sa vie » (p. 234).
Il montre aussi en quoi l’eugénisme actuel participe de cette idéologie qui considère toute chose sous l’angle de l’efficacité. Il cite l’eugéniste anglais Francis Galton, un cousin de Darwin, qui dès 1883 appelait à « supplanter les lignées humaines inefficaces par de meilleures souches » (p. 118). Faisons-nous autre chose quand nous organisons, par un contrôle technique accru et avec la bénédiction de l’État, l’élimination systématique des embryons trisomiques ?
Bref, à l’heure des débats autour de la loi Travail, il est plus que temps d’interroger notre culte de la compétitivité, et d’en étudier toutes les conséquences sur nos vies.
Vous trouverez un entretien avec Thibault Le Texier dans le prochain numéro de la revue Limite.
D’ici là, bon vent !
Derrière le culte de l’efficacité il y a la mort de Dieu.
Depuis que l’homme a perdu l’Eternel de vue il se raccroche à l’objectivité comme seule trace accessible du réel et finalement comme seul réalité.
Les déconstructeurs nous ont appris que tout objet est construit, toute notre réalité objective est mentale, artificieuse.
Il n’y a plus que la subjectivité humaine face à ses objets, un monde purement mental sans Dieu au dessus et sans nature au dessous.
L’artifice tient lieu de réel, l’imaginaire est roi, l’image est reine et le symbolique perd tout sens.
La structure symbolique construite sur la sagesse perd tout crédit et la folie devient la norme.
Face à un monde absolument construit aucune loi ne vaut vraiment, elle n’est plus qu’un moment à dépasser par le progrès de la maitrise du monde.
Il n’y a plus pour l’homme d’autre avenir que de faire grossir sa bulle de maitrise comme la grenouille de la fable qui finit par exploser.
L’occidental enfle, s’éclate et le terroriste explose, comme si les islamistes inconsciemment poussaient la logique occidentale à son terme, comme s’ils nous mettaient en garde.
Je conteste évidemment leur méthode mais pourquoi devrais-je contester leur intuition que l’occident est fou?
Folie démoniaque contre folie meurtrière , pourquoi faudrait-il défendre l’une pour combattre l’autre?
La Bête de notre temps a deux têtes et il nous faut couper les deux dans le même temps.
Si l’occident coupe la tête islamiste elle repoussera indéfiniement.
Pour couper vraiment la tête islamiste il n’y a qu’une méthode pour l’occidental c’est de se couper lui-même la tête symboliquement.
Il verra alors que sans sa tête il n’a perdu que son illusion démoniaque et Dieu reviendra en tête des hommes, le dieu non construit, Dieu qui est aussi Allah.
Les loups islamiques deviendront alors comme par magie des agneaux musulmans.
Cela rappelle les ouvrages de Vincent de Gaulejac, et notamment La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, Le Seuil, 2005. Voir une recension sur http://www.alternatives-economiques.fr/la-societe-malade-de-la-gestion–ideologie-gestionnaire–pouvoir-managerial-et-harcelement-social-par-vincent-de-gaulejac_fr_art_187_21191.html