Grande nouvelle pour les lecteurs decMPE Polanyi, Trade and Market in the early Empires est réédité en France, agrémenté d’une préface d’Alain Caillé, d’une introduction de Michel Cangiani et Jérôme Maucourant et d’une postface d’Alain Guery. Limite l’a lu et vous en parle.

 

Une réédition attendue

Après une première édition française parue en 1975 et vingt ans de rupture de stock, Trade and Market in the early Empires est de nouveau disponible aux lecteurs français sous le titre Commerce et marché dans les premiers empires. La grande transformation, maître-ouvrage de Polanyi qui l’ a fait connaître du grand public présentait de manière synthétique sa réflexion sur la spécificité du développement capitaliste de nos sociétés et sur les impasses auxquelles ce développement mènerait. Commerce et marché dans les premiers empires prolonge le projet de La Grande Transformation par la remise en cause de la prétendue naturalité et universalité du marché.

La fausse évidence et les impasses du néo-libéralisme

Certes, il s’agit là d’une étude méticuleuse qui peut donner aux lecteurs non-spécialisés en anthropologie ou en histoire des idées – et nous sommes quelqu’uns dans ce cas – le sentiment de ne pas être au niveau. Mais que l’on ne s’y trompe pas, au-delà de l’étude des ports de commerce de la Méditerranée orientale à l’époque antique se trouve un enjeu qui intéressera tous les lecteurs de Limite. Il s’agit de la remise en cause du paradigme néo-libéral. Comme l’écrit Alain Caillé dans l’avant-propos de cette réédition : « Si nous voulons en finir avec l’hégémonie mondiale du néolibéralisme, il nous faut rompre avec sa thèse centrale que, sauf à une très petite échelle, les échanges entre les humains ne sauraient se dérouler efficacement et justement sous l’égide du Marché. Que ce dernier est une institution à la fois naturelle et universelle. » Or, la perspective comparative développée par Polanyi permet de mettre en perspective nos société modernes toujours plus soumises à la sphère marchande et les sociétés primitives et antiques dans lesquelles la rationalité économique était soumise à des normes sociales qui lui donnaient une limite et un sens. Quelle conclusion en tirer ? Que l’homo oeconomicus n’a pas toujours existé, qu’il est né, au contraire, il y a bien peu de temps.

Nous n’aurons de chance de nous défaire de cette prétendue évidence qui régie toute notre organisation sociale qu’en comprenant pleinement l’historicité et la facticité de cette hypothèse. Voilà à quoi contribue cette réédition.

Commerce et marché dans les premiers empiresKarl Polanyi, Conrad M. Arensberg et Harry W. Pearson, Le bord de l’eau, 2017.