Petite galerie des penseurs technocritiques – Lire Limite, c’est bien. Lire les classiques, c’est encore mieux. Vous vous demandez sans doute où notre revue puise tout ce génie. Par Jacques Ellul, Ivan Illich, André Gorz et tant d’autres… À travers leur vie, leur livre et leur idée, découvrez les auteurs qui nous inspirent. Et on vous le promet, vous ne pourrez plus lire Michel Onfray et le trouver pertinent.

PAR YOUNESS BOUSENNA – ILLUSTRATIONS DE CHARLOTTE GUITARD

Jacques Ellul 

Une vie – Le protestant Jacques Ellul (1912-1994) est inséparable de Bernard Charbonneau (1910-1996). Tous deux Bordelais, ils signent un manifeste en 1935 qui marquera le début du « personnalisme gascon », adaptation locale du courant fondé par Emmanuel Mounier. Figure de Sciences Po Bordeaux, à la fois intellectuel et activiste – contre la bétonisation du littoral notamment –, sa vie met en pratique son célèbre slogan : « Penser global, agir local. »

Un livre – Auteur prolifique, l’œuvre de Jacques Ellul mêle réflexion sur les institutions et la « propagande », théologie et écrits prônant une révolution anarchiste chrétienne. Mais c’est pour son analyse de la technique qu’il est principalement connu. En 1988, Le Bluff technologique offre une critique radicale du consumérisme des gadgets et plaide pour une technique mise au service de l’homme.

Une idée – En particulier évoquée dans Le système technicien (1977), la notion de société technicienne souligne que la technique n’est pas une somme d’objets éparpillés, mais forme un ensemble qui s’impose à chacun de ses éléments, individus compris.

Günther Anders

Une vie – Né en Pologne, Günther Stern (1902-1992) choisit dans les années 1930 le nom d’Anders (« autrement », en allemand). Mais aussi l’exil, pour la France puis les Etats-Unis, déviant d’une carrière d’enseignement déjà tracée. Outre- Atlantique, il effectue de petits boulots qui lui offrent une expérience ouvrière dont il tire sa critique de la société industrielle. À son retour en Europe, en 1950, il refuse des postes universitaires, préférant une activité de journaliste et un militantisme antinucléaire et pacifiste.

Un livre – La grande œuvre de Günther Anders demeure L’Obsolescence de l’homme (1956). Sous-titré Sur l’âme à l’époque de la Deuxième révolution industrielle, le philosophe y exprime son souci éthique face à un temps où l’humain est broyé par des machines qui le surpassent par leur efficacité.

Une idée – L’expression de décalage prométhéen exprime cet écart entre les machines et les hommes, les premières humiliant les seconds par leur supériorité, renvoyant les êtres à leur lenteur, leur imperfection et leur finitude.

André Gorz

Une vie – Le philosophe et journaliste André Gorz (1923-2007), également cofondateur du Nouvel Observateur, a construit une œuvre qui tente d’articuler ses influences philosophiques – Marx, Sartre, Husserl – avec la prise en compte de la catastrophe écologique. André Gorz est aussi connu pour sa Lettre à D., poème d’amour écrit à son épouse de 82 ans, Dorine, avec qui il se suicide en 2007.

Un livre – Dans Métamorphoses du travail (1988), le philosophe écosocialiste critique l’emprise de la rationalité sur un…

La suite de l’article est disponible dans la revue Limite n°26 « Débranchez le progrès » à retrouver en kiosque. 98p. 12€