C’est en s’appuyant sur la vertu d’espérance qu’Adrien Louandre, jeune militant du Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne (MRJC), a fait une rencontre avec le Christ.

J’ai toujours ressenti une angoisse pro- fonde. Est-ce qu’on ne ressent pas tous un vide existentiel et métaphysique au fond de nous si on écoute le silence de notre abîme personnel ? Enfant, j’avais peur de la mort. Je me souviens qu’à 7 ans j’avais demandé « la vie éternelle » au père Noël. De même, au collège, pendant deux ans, cette question m’a travaillé presque chaque soir. Pourquoi sommes-nous ici ? Qui suis-je ? Y a-t-il un horizon qui ne soit pas aussi vide de sens que celui que la société propose ? J’ai appris plus tard que je n’étais pas le seul à être confronté à cette angoisse. Blaise Pascal écrivait : « Le silence de ces espaces infinis m’effraie. » C’est vrai, l’univers est aussi fantastique qu’effrayant. Mais pourquoi la société nous incite-t-elle à poursuivre la plus petite once de gloriole alors que nous ne sommes que poussière ? Les adultes ne sont-ils pas censés être plus sages que nous ? Je n’arrivais pas à comprendre.

Et puis un jour, je suis tombé sur une messe télévisée. Je ne comprenais pas grand-chose et cela n’a duré que quelques minutes (je devais zapper sur Téléfoot !), mais j’ai été saisi par la beauté des chants. En quelques secondes, une porte s’est ouverte. Grâce à l’art, le sacré, le Beau. Je me suis dit que je pouvais peut-être trouver dans la religion des réponses aux questions que je me posais. Après tout, pourquoi pas ? Moi qui n’y connaissais rien, je n’avais aucun a priori. Je suis allé acheter une bible et une semaine plus tard je commençais à la lire. Comme beaucoup, j’ai commencé par le début… et vite arrêté. Les livres de la Genèse et de l’Exode sont assez ardus quand on a 12 ans !

Le Christ discutait avec les scribes du Temple au même âge, mais quand on n’a jamais eu de formation religieuse, presque jamais ouvert un livre et qu’on a les préoccupations d’un ado… c’est bien différent que d’être le Verbe fait chair ! Résultat : je fermais rapidement ma bible. Puis, quelque temps plus tard, Benoît XVI se rend à Lourdes. Une fois de plus, je suis touché par les chants de la messe télévisée, mais aussi par l’humilité du Pape. Je me dis que ça serait bien d’y aller, un jour, à la messe. Sauf que je ne connais pas les horaires de celles de mon petit village. Et puis un enfant qui vient tout seul à la messe… ça ne se fait pas. Il me fallut donc attendre qu’une occasion se présente.

La société capitaliste ne risque pas d’apporter une réponse aux préoccupations profondes puisqu’elle n’en a pas.

Elle arriva assez vite puisque, le 1er novembre 2008, ma famille, chose rarissime, m’emmena dans l’église d’Équihen-Plage, dans le Pas-de-Calais. Je me souviendrai toujours de cette première messe et du prêche du prêtre qui, à la Toussaint, concerne forcément les Béatitudes, dont je tiens à retranscrire le texte : « Heureux les pauvres en esprit […], heureux les doux […], heureux les affligés […], heureux ceux qui ont faim et soif de la justice […], heureux les miséricordieux […], heureux les cœurs purs […], heureux les artisans de paix […], heureux les persécutés pour la justice […], heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et que l’on dit faussement toute sorte de mal à cause de moi […] : soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux » (Mt 5, 3-12). Être chrétien, c’est donc parler de bonheur ! C’est parler de bonheur malgré la misère, la dureté du monde, les pleurs et l’injustice ! C’est entrer dans un chemin de joie ! Je ne savais pas, ce jour-là, que j’emprunterai ce chemin pour y tomber des centaines de fois mais sans jamais vouloir le quitter. Quel autre chemin propose le monde que celui d’une consommation de masse bête et aveugle ? Aucun ! La société capitaliste ne risque pas d’apporter une réponse aux préoccupations profondes puisqu’elle n’en a pas.

Je n’étais plus coupable de ne pas être ce que je voulais. J’étais à l’orée du bois, il m’appartenait à présent d’y rentrer.

J’ai donc résolu de reprendre ma Bible et de l’ouvrir ailleurs. Je suis tombé sur la lettre de saint Paul aux Romains. « Je ne comprends pas ce que je fais : je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je déteste. Or c’est ce que je ne veux pas. […] Ce n’est plus moi qui agis ainsi mais le péché qui habite en moi. […] J’ai la volonté de faire le Bien mais je ne parviens pas à l’accomplir. En effet, je ne fais pas le Bien que je vou- drais mais je fais le Mal que je ne veux pas. […] Alors que je veux faire le Bien, c’est le Mal qui est à ma portée. » Ce que je ne veux pas je le fais, et ce que je veux je ne le fais pas… et pourtant, avec le Christ, il y a une petite lueur au loin, qui éclaire tout un chemin de vie.

J’ai pleuré

Serait-il donc possible de devenir celui que l’on cherche à être ? Paul nous dit que l’on peut surpasser la solitude et l’angoisse, nos imperfections et nos manques. J’ai pleuré pendant de longues minutes… Ce jour-là, pour la première fois, j’ai été capable de considérer ma solitude comme une force. Elle n’était plus un état à subir, mais une invitation à progresser. « Vous vous plaignez que les rosiers aient des épines, réjouissez-vous que les épines aient des roses », me confiera Sénèque des années plus tard. Je n’étais plus coupable de ne pas être ce que je voulais. J’étais à l’orée du bois, il m’appartenait à présent d’y rentrer.

Illustration de Nicolas Pinet pour Limite.

Ce témoignage est tiré des pages spiritualité du 21ème numéro de Limite, la première revue d’écologie intégrale. L’essayer, c’est l’adopter !

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