Dans ces colonnes, nous avons l’habitude de déplorer la perversion de l’esprit de Noël : consumérisme effréné, colonisation marketing de la crèche, adoration du veau (de la dinde ?) d’or… on pousse même l’empire utilitariste jusqu’à institutionnaliser la désormais traditionnelle revente des cadeaux « non désirés » sur internet. Lorsque que nous considérons que certains cadeaux ne correspondent pas à notre agenda personnel de bien-être, nous avons inventé un nouveau droit à l’IVG, qui est ici l’Interruption Volontaire de Gratuité. La maximisation de l’« utilité » individuelle n’a pas de limite, surtout pas celle de la décence à l’égard de ceux qui se sont donné du mal pour offrir un cadeau.

On pousse même l’empire utilitariste jusqu’à institutionnaliser la désormais traditionnelle revente des cadeaux « non désirés » sur internet. Lorsque que nous considérons que certains cadeaux ne correspondent pas à notre agenda personnel de bien-être, nous avons inventé un nouveau droit à l’IVG, qui est ici l’Interruption Volontaire de Gratuité.

A lire trop souvent Limite – ce qu’il faut bien évidemment continuer ! – vous pourriez croire que nous avons moins de peine à dénoncer les destructeurs plutôt qu’à vanter les petits Atlas qui tiennent tant bien que mal l’humanité sur leurs épaules. Il s’agit sans doute une complexion maison : nous avons tendance à voir le verre (de champagne ?) à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Dont acte. Faisons un effort, non pas d’optimisme – « L’optimiste est un imbécile heureux. Le pessimiste, un imbécile malheureux. » écrit Bernanos – mais plutôt d’espérance. Dans le même texte, le grand Georges nous invite au « désespoir surmonté », « la plus haute forme de l’espérance ».

Et nombreuses sont les raisons d’espérer. Ce dimanche 25 décembre, était organisée à La Roche-sur-Yon (Vendée) la quatrième édition du « Noël Solidaire ». La délégation départementale de l’Ordre de Malte prévoit chaque année un déjeuner de Noël à destination des personnes démunies. « Nous prévenons nos invités lors des petits déjeuners hebdomadaires que nous avons créés ainsi qu’à l’occasion des maraudes du Samu Social » nous indique Paul de Rugy, Président de l’Ordre de Malte Vendée. Celui-ci nous précise pourquoi il parle de ses « invités » et non pas de « SDF » : « Nous recevons un public varié : gens de la rue, familles pauvres, personnes âgées isolées, migrants, etc. »

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Ce dimanche, une quarantaine de ces personnes s’est rendue à ce déjeuner. Dans ce réfectoire du diocèse vendéen, l’ambiance est bon-enfant. « Robert-le-fou », bien connu de la rue yonnaise, se saisit d’une guitare et entonne quelques chansons. Les invités goûtent au délicieux et abondant buffet préparé par les bénévoles. Une vingtaine de ceux-là sont présents : retraités pour la plupart, mais aussi une famille nombreuse. « Nous avons ouvert les cadeaux ce matin, nous pouvons bien donner un peu de temps pour les autres » nous dit l’un des six enfants de cette famille. A table, bénévoles et invités se mélangent. Parfois, le dialogue est impossible tant le fossé qui les sépare est grand. Mais le plus souvent, les échanges sont libres et chaleureux. Plus qu’un bon repas, beaucoup des convives ont besoin d’un peu de chaleur humaine.

Avant le déjeuner, l’évêque de Luçon (dont dépend La-Roche-sur-Yon) est venu saluer le « véritable esprit de Noël » qui anime l’événement. Ses mots font écho à ceux d’un autre évêque, celui de Rome, pour qui « personne n’est exclu aux yeux de Dieu et ce furent vraiment eux les invités de Noël » (extrait de son homélie de Noël 2016). A La Roche-sur-Yon, comme partout où se tiennent des initiatives comparables, on peut se réjouir d’avoir fêté Noël avec ses véritables « invités ». S’il est légitime de dénoncer avec le Pape « les lumières du commerce [qui] jettent dans l’ombre la lumière de Dieu », il est encore plus crucial de se rappeler que Noël existe. L’esprit de la crèche résiste à toutes les perversions.