De ses excursions dans les massifs du monde entier, Anne-Laure Boch a ramené un livre, L’Euphorie des cîmes (Transboréal), véritable bréviaire de l’alpinisme. À cette grimpeuse amateur, par ailleurs médecin des hôpitaux de Paris et philosophe, nous avons demandé ce qui pousse ces passionnés à affronter le vide, le froid, l’inconfort, le danger.  Au temps des téléphériques, quelle ivresse procure l’ascension d’un sommet à mains nues ?

L’alpinisme véhicule une image extrême, inaccessible. On en entend souvent parler à l’occasion des accidents en montagne. Sans occulter les épreuves et la nécessité d’une initiation, vous dites au contraire que cette discipline est accessible, et qu’elle procure des instants d’intense bonheur.

C’est à la fois accessible, parce que c’est une activité organisée, avec des guides, des clubs, des cartes, des topos, des refuges… et en même temps très exigeante puisqu’elle repose sur la notion d’engagement. L’idée de donner de sa personne, de se dépasser, de sortir de sa limite de confort est au cœur de la discipline. Celui qui cherche la tranquillité ne sera pas à l’aise dans ce sport où on flirte avec le danger. Sur un terrain de foot, on peut se fouler une cheville, à la rigueur se casser un pied, mais le risque vital n’est pas engagé. À la montagne, l’accident mortel est toujours possible. Aux débutants, sur le ton de la blague, on répète ce vieux dicton : « Si tu tombes, c’est la chute ; si tu chutes, c’est la tombe. » Oui, cette discipline procure de la joie, du plaisir, et mille autres sentiments positifs, mais au prix d’une confrontation assumée, sinon désirée, avec le risque.

Ce qui en fait une pratique sportive un peu particulière, non ?

L’alpinisme coche toutes les cases du sport : l’énergie physique, la virtuosité technique, la performance, l’entraînement, la gratuité, le jeu, le défi, l’esprit d’émulation, le courage, la volonté, l’exploit, voire l’héroïsme… Cependant, ce n’est pas un sport comme les autres. Tout d’abord, sauf de rares professionnels, il n’y a pas de compétition ; si défi il y a, c’est à soi-même qu’on le lance. Et puis, à la différence d’un stade, d’un gymnase ou d’un ring, où les dimensions sont standardisées, reproductibles, la montagne échappe à toute normalisation. Le rapport à la nature indomptée, rétive à la « mise en boîte » du monde urbain, est au centre de cette activité.

De loin, on imagine que les grimpeurs sont des contemplatifs, abandonnés au spectacle du ciel et des sommets. On se trompe ?

Oui, c’est une idée fausse. À la différence du randonneur, l’alpiniste est beaucoup plus actif que contemplatif. En montagne, on est constamment sur le qui-vive, en position d’incertitude. La météo, l’enneigement, l’itinéraire, l’équipement en place dans la voie : les points d’interrogation sont nombreux et cruciaux. (…)

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