Limite s’associe au groupe de travail Laudato Si fondé en 2016 et qui réunit une trentaine de jeunes professionnels et un prêtre du diocèse de Paris pour réfléchir à l’écologie intégrale. Tout au long de cet été, Limite publie le résultat de leurs réflexions ainsi que leurs propositions. Aujourd’hui, une réflexion transversale sur le travail humain.

La question du travail s’est immanquablement posée dans chacun des quatre cycles de l’itinéraire que nous vous avons présenté tout au long du mois d’août. La manière de définir et de vivre le travail se dessine ainsi comme l’une des clés du changement.

Agriculture, énergies & ressources

La première question qui se pose est celle du sens du travail. En amont de sa pénibilité, clairement nommée par l’épisode de « la chute » – « Tu travailleras à la sueur de ton front » (Gn 3) –, la Révélation biblique offre une parole totalement positive sur le travail : « Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder » (Gn 2). Cultiver et garder. Préserver en cultivant. Une première affirmation essentielle se formule ici : le « jardin » de la création est un don qui précède l’homme et que celui-ci reçoit. Le travail établit donc l’homme dans une relation de réceptivité au don précieux de la terre. Bref, notre travail doit comporter une double dimension : faire porter du fruit à la terre et veiller à sa fertilité. Tirer profit avec intelligence de son incroyable fécondité. Avec intelligence : c’est-à-dire en intégrant profondément les « lois » de ce vaste écosystème, qui en constituent, en un mot, les limites.

Le paysan, depuis toujours, est le mieux placé pour développer cette intelligence du travail de la terre. Une société où les paysans ne représentent plus qu’un ou deux pour cent de la population active est-elle encore en mesure de renouveler sa conscience vive et sa science des équilibres du « jardin » ? Est-elle suffisamment « connectée » à la terre ? Dans le même temps, un agriculteur gérant une exploitation de 300 hectares a-t-il encore le temps de sentir vivre sa terre ? La configuration actuelle du secteur agricole dans les pays industrialisés doit manifestement être remise en cause. Et il est urgent de veiller à ce que les intérêts financiers du Nord ne président pas à l’exportation universelle de ce modèle et ne viennent ainsi fragiliser des sociétés beaucoup plus équilibrées que les nôtres, de ce point de vue.

De manière plus générale, tout travail comporte donc, en plus de sa première dimension (productive), une deuxième dimension constitutive (« garder ») qui réclame nécessairement une vision globale. En effet, comment préserver le jardin sans mesurer la portée de mon geste de travail ? Le redéploiement de cette « intelligence du tout » au travail constitue sans doute l’un des défis majeurs de la conversion écologique.

Elle contribuera immanquablement à redonner à bien des personnes de la joie au travail. Pourquoi ? Parce que mieux situer mon travail dans son rapport à la Création en son ensemble est sans doute la meilleure préparation à une « intégration spirituelle » de mon travail. Mieux inscrire mon geste professionnel au sein de la Création entière est en effet ce qui me permet de comprendre en quoi il contribue à l’achèvement de celle-ci. Comment cette conscience de collaborer à l’œuvre créatrice ne libérerait-elle pas une joie dans le cœur de l’homme ? C’est bien là sa vocation originelle, assortie d’une bénédiction divine. C’est bien par son travail, d’abord, que l’homme est « à l’image de Dieu » (Gn 1).

Économie & finance

Cette intégration spirituelle prend du temps. Elle réclame une respiration entre travail et shabbat, ce divin chômage du septième jour auquel l’homme est appelé, à son tour, à participer. Lorsque ce repos vient à manquer et que le rythme du travail s’intensifie à outrance, l’homme entre en situation d’esclavage. La situation inaugurale du livre de l’Exode – où l’oppression se caractérise comme asservissement au travail – frappe par son actualité ! Elle éclaire les conditions dans lesquelles le travail ne remplit plus sa fonction d’édifier en l’homme l’image de Dieu et devient alors inhumain.

Écologie humaine, médecine & transhumanisme

Or le travail est humain, c’est-à-dire qu’il est propre à l’homme. La machine ne travaille pas. Percevoir la valeur anthropologique du travail donne sans doute accès à l’unique critère de discernement permettant de délimiter la place utile de la machine – automatisation, robots, intelligence artificielle. Le travail est au service de l’humanisation de l’homme, et non au service du produit fini. Sur de seuls critères d’efficacité « à la tâche », l’homme est fatalement dépassé par son outil !

Intégration sociale & vivre ensemble

Si le travail est l’un des lieux primordiaux de l’humanisation, une intégration sociale peut-elle réussir sans solliciter une collaboration de l’exclu ? Tant qu’elle relève de la seule logique de l’assistanat, l’intégration sociale ne parvient pas à dépasser une fracture entre aidants et aidés. Cette frontière n’est résorbée que lorsque la personne marginalisée se sent à nouveau utile. Permettre à une personne de contribuer activement à la vie de la communauté – de travailler, au sens large – c’est restaurer sa dignité.

Si vous souhaitez vous joindre au groupe de travail Laudato Si : gt.laudatosi@gmail.com

Le groupe de travail Laudato Si réunit au cours d’une vingtaine de rencontres une trentaine de jeunes professionnels catholiques et un prêtre de Paris avec l’objectif d’enclencher une conversion à l’écologie intégrale. L’année se divise en quatre thèmes : médecine & transhumanisme, agriculture & ressources, économie & finance, et lien social & vie dans la cité. Chacun des thème est abordé en suivant une méthode en quatre temps : (1) s’informer et se constituer des repères de réflexion (2) rencontrer au cours d’un week-end des personnes travaillant dans ce secteur (agriculteur, médecin…), pour certains déjà convertis à l’écologie intégrale (3) identifier les leviers spirituels à la conversion personnelle (4) prendre des « résolutions » concrètes.