Le réveillon est passé, avec ses bonnes résolutions, et ses souhaits de bonne année. Depuis deux ans, la variation de rime sur la santé ne rime à rien, ou plutôt, s’avère un sinistre présage. Enfermée telle un hamster dans la roue spatio-temporelle des vagues, des restrictions et des doses, l’âme austère s’épuise à force de trotter dans le vide. Plutôt que de lui fournir une liste à la Prévert de ce qui est permis ou non, il nous faut la combler d’espérance. Nos résolutions pour 2022 doivent être une révolution dont nous serons tous acteurs : celle de la joie. Pour cela, quelques piqûres de rappel s’imposent.

Nous préférons substituer la joie du soin à la déprime technocratique. Le flicage inter-citoyens du code QR à l’entrée, la bureaucratisation de l’accueil du patient et de la tarification, l’interdiction des visites, la fermeture de lits et d’hôpitaux partout en France, la suspension des soignants réfractaires : c’est la déprime assurée. Des hôpitaux qu’on bâtit, des lits qui rouvrent, des moyens budgétaires renouvelés, du personnel embauché et reconnu, le lien humain restauré : c’est la joie garantie. Signe de cette époque dont il nous faut sortir, l’Hôtel-Dieu en plein cœur de Lyon, dont la vocation jusqu’en 2010 était encore d’accueillir des malades, accueille depuis 2019 des touristes de luxe, des jeunes cadres dynamiques de la start-up nation, et des consommateurs frénétiques. Tout un symbole à renverser.  

Si nous partageons la nécessité de protéger les plus fragiles, nous préférons substituer la joie du corps-à-corps à la déprime des distanciations. Les nourrissons qui découvrent des visages masqués ; les enfants qui construisent une sociabilité « sans contact » et fréquentent un pédopsychiatre si jeune ; les étudiants promis à un avenir morose et des formations à distance – c’est-à-dire à l’écart ; les militants associatifs et les petites entreprises qui s’épuisent de leurs efforts sans cesse cassés ; les personnes âgées longtemps sommées de mourir de solitude plutôt que du coronavirus : la déprime coûte cher en victimes collatérales. La lutte contre les ravageurs de la maison commune qui provoquent zoonoses et réapparition de virus enfouis sous le pergélisol ; la mise à pied des géants de l’agroalimentaire, de la malbouffe et de l’industrie du sucre qui ont provoqué la montée de l’obésité – cause première de comorbidité : voilà une révolution plus joyeuse.

En parlant de résolution, gageons ici que la personne humaine n’est pas une gigantesque puce électronique dont il faudrait résoudre les bogues et optimiser la performance sanitaire, mais un être de relations, créé pour une vie et une espérance joyeuse qu’il façonne, tel l’artisan sculptant l’âme de l’objet auquel il aspire. La conversion écologique, qui est la raison d’être de cette revue, ne consiste pas seulement à sauver les meubles, mais à servir la vie. Alors, en 2022, heureux les artisans de joie ?

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