L’utopie globaliste a-t-elle vécu ? Dans les sables mouvants de la mondialisation, le particulier refait surface. Mathieu Bock-Côté, sociologue québécois, auteur de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), analyse le retour en force des identités nationales.

SMALL IS BEAUTIFULL !

La formule de Schumacher est redevenue à la mode depuis qu’on cherche, de mille manières, à résister comme on peut à la démesure de la mondialisation. On s’imagine un monde à échelle humaine. On théorise les vertus du localisme, pour appuyer sur une doctrine ce qui semble être d’abord et avant tout un désir de réenracinement. On cherche une vie « plus authentique », loin des impasses d’une modernité déliant l’homme de toutes ses communautés et le condamnant à se définir dans une tension intenable entre son petit moi et son appartenance au genre humain. Notre époque génère son lot de névroses et la régulation pharmaceutique des émotions ne saurait seule contenir les angoisses qu’elle libère.

Est-ce qu’une telle philosophie peut éclairer de manière nouvelle la question des « petites nations » ? On sait ce que Kundera disait des petites nations : ce n’est pas la taille qui rend les petites nations petites mais la conscience qu’elles ont de leur précarité existentielle.Elles savent qu’elles pourraient disparaître politiquement ou culturellement. On leur fait savoir d’ailleurs régulièrement qu’elles ne sont pas essentielles à la marche du monde. On traite leur identité comme une forme de provincialisme exaspérant, qui peut toucher ceux qui sont sensibles au folklore, mais qui les empêcherait de s’ouvrir au monde. Comment peut-on vraiment appartenir au monde à partir de Talin, de Varsovie, de Zagreb, de Barcelone ou de Québec quand il faudrait plutôt suivre la mode de Londres ou New York ?

VIVE LE QUEBEC LIBRE ?

On leur fait souvent la leçon, surtout quand elles se montrent plus attachées qu’on ne le souhaiterait à leur indépendance. Les petites nations d’Europe de l’est renâclent à l’idée de sacrifier une bonne part de leur souveraineté récemment reconquise à l’Union européenne ? Ne se rendent-elles pas coupables d’ethnocentrisme alors qu’elles pourraient abattre elles aussi cloisons et frontières ? Les Catalans et les Écossais se demandent pourquoi ils ne deviendraient pas des nations à part entière ? On les présente comme les tenants d’un régionalisme obtus qui ne mériterait aucune considération : c’est la posture BHL. Apparemment, elles sont arrivées trop tard dans l’histoire pour y participer pleinement en leur nom. Elles devront se contenter d’habiter une maison qui n’est pas la leur.

La suite est dans le numéro 2 de Limite, disponible en librairie !

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