« Bien sûr, nous sommes résolument cosmopolites. Bien sûr, tout ce qui est terroir, bérets, bourrées, binious, bref, franchouillard ou cocardier, nous est étranger, voire odieux. Bien sûr, nous avons appris à penser à Vienne, à rock’n roller à Londres, à rêver à Hollywood, à innover à Silicon Valley… » Ainsi parlaient Marc-Georges Bennamou, Pierre Bergé et BHL dans l’édito inaugural de la revue Globe, mensuel branché des années 80.
Trente ans plus tard, voici Limite. Après le libéralisme à deux faces, l’écologie intégrale. Contre l’utopie des nouvelles Babel, l’espérance de Noé sur son arche. Globe rêvait d’un monde ouvert, homogène, traversé d’individus fluides et désaffiliés. Nous préférons un monde divers, multiple, riche de l’incroyable variété de ses paysages et des sociétés qui la peuplent. Et si nous voulons résolument nous réenraciner, si tout ce qui est jet set, offshore, Sofitel et CAC 40, bref, hors-sol ou indifférencié, nous est étranger, voire odieux, c’est que nous sommes nous-mêmes d’une génération précarisée, éparpillée.
Aux frontières ont succédé des déserts : dans ce monde globalisé, si l’oligarchie est de partout, la masse est de nulle part. Bien des illusions ont sombré depuis la parution de Globe. Le mur de Berlin est tombé. Les tours du World Trade Center aussi, et l’usine du Rana Plaza aussi. Et Schengen à présent. À peine le capitalisme avait-il étendu son hégémonie planétaire qu’il vacillait sur ses bases et menaçait de s’écrouler sous le poids de ses contradictions. Il tient pourtant, se renforce, faisant de chacune de ses crises un mode d’expansion et de domination. Du désastre écologique il tire une « croissance verte », de la banqueroute une politique d’austérité. Et en l’État centralisateur qui broie les corps intermédiaires, le technocapitalisme s’est même trouvé un allié de choix. Mais voilà, la mondialisation heureuse a ses petits travers.
On avait rêvé la fin de l’histoire, on se réveille avec le terrorisme islamiste, le changement climatique et le chômage de masse. Le Marché devait nous libérer, et c’est le chaos qui nous traque. Combien de fois, après le 13 novembre, avons-nous entendu la rengaine ? Il faut continuer à vivre comme avant, sans rien remettre en cause. Et de fait, en plein deuil national, les nouvelles de la Bourse nous parvenaient entre deux pages de pub. Consommez braves gens, comme si de rien n’était, et puis Noël approche. L’État-policier au secours de l’impérialisme marchand, le voilà le prix de la sécurité dans le désordre global : toujours plus d’artefacts, et moins de liberté. Nous n’avons connu que la société de marché, mais nous ne serons pas les agents du profit dans l’enclos sécuritaire. C’est une vie décente, plus simple et plus digne que nous voulons défendre. Et cela commence par des lieux et des communs, des solidarités locales et des souverainetés reconquises. Un retour à la politique, en somme, sans déni ni repli. Nous devons cela à nos morts. Ceux de janvier, ceux de novembre. Et ceux qui viendront après.
- François Ruffin & François-Xavier Bellamy : Leur ennemi en commun - 05/30/1998
- L’édito écolo : « L’instrumentalisation de la question climatique par les politiques et industriels rappelle l’importance du projet d’écologie intégrale » - 05/30/1998
- « La communauté est la condition de notre rayonnement » - 05/30/1998
Bonjour,
si vous ne connaissez pas déjà, je vous suggère l’excellent « le nouvel esprit du capitalisme », de Boltanski et Chiapello, qui analyse remarquablement cette capacité du capitalisme à s’adapter pour finir par intégrer tout type de changement de contexte.
Olivier
En bref et de façon un peu rustre le capitalisme c’est du fumier. Si « y’en a pas » on crève de faim, si « y’en a de trop » on crève obèse. Le boulot du politique c’est doser le fumier bref remuer la merde. Je sais, ce n’ai pas très motivant mais pendant des siècles nos ancêtres paysans l’on fait. Moralité messieurs il faut partir à l’assaut des urnes et renoncer à mourir honnête. Pour les intello et les sceptiques relisez Electre de Giraudoux. Egiste à le devoir d’état d’être coupable d’injustice face à Electre. Sinon Athènes brulera. Mais Egiste reste quand mème coupable.
Du moins tel est ma conviction.
Chers amis, jeune génération, courage, vous êtes sur la bonne voie ! La concentration de la richesse inhérente au capitalisme et l’utilisation à son profit de tous les meilleurs talents finit de fasciner, car ce sytème montre aujourd’hui sa vraie nature. Il est basé sur la séparation de l’esprit de l’argent du projet humain. Le projet humain doit reprendre ses prérogatives. Les talents doivent se remettre au service de la diversité. Nous sommes arrivés à un moment de synthèse, oui, il existe une troisième voie économique, la modération et le respect ont été recherchés pendant des siècles par vos ancêtres. Ci-dessous, un extrait de l’Union de Fribourg, comité des meilleurs économistes convoqués par le Pape Léon XIII pour le conseiller avant la publication de la première encyclique de la doctrine sociale de l’Église en 1891 « Rerum Novarum ». Le texte produit, reflète l’opinion de la majorité de vos arrières-grands-parents à cette époque, dont le bon sens et surtout l’éducation intellectuelle n’avaient pas encore été monopolisés par les thèses libérales : En 1882, le Pape retint Mgr Mermillod pendant de longs mois et le chargea de diriger à Rome même les travaux d’un comité qui avait pour mission d’étudier, à la lumière de la doctrine catholique, toutes les questions de l’Économie sociale et spécialement celles qui intéressent les travailleurs ; de chercher les vrais principes et comment les faire prévaloir au sein des sociétés ». Le comité pris le nome de l’Union de Fribourg, il se mit à l’œuvre et, après de sérieux échanges de vues, adopta des propositions sur la nature du travail, le droit de posséder, l’héritage, le revenu du capital. Voici un extrait de leur rapport au Pape qui conclue que le capitalisme généralise l’Usure (condamnée encore aujourd’hui par le droit canon d’excommunication automatique, tant ses effets génèrent la misère, le sous-développement et l’esclavage des êtres humains au profit d’une minorité, celle-ci bloquant le vrai plan de Dieu sur les hommes soumis à ce système) et que vous pourriez le publier demain dans votre journal sans en changer une ligne pour exprimer l’état de notre société :
Régime du crédit.
L’Union de Fribourg reconnaît que :
1 ° Le régime actuel du crédit constitue ce qu’on appelle « le système capitaliste » ou « le capitalisme » tout court. Ce système suppose, à tort, que la valeur des choses séparées de leur substance a, en elle-même, une utilité économique et que, par conséquent, on peut tirer de cette valeur séparée des choses un intérêt fixe ; tandis qu’au contraire, considéré en lui-même, ce procédé a les traits caractéristiques de l’usure, telle qu’elle est définie dans le 5e Concile de Latran par Benoît XIV et les Pères de l’Église.
2 ° Ce système s’appuie sur la liberté absolue du travail, de la propriété et de l’échange, sur la reconnaissance doctrinale de l’intérêt individuel (égoïsme), comme moteur unique du travail économique et social, sur l’individualisme, sur l’idée de la productivité du capital et de l’argent, sur la considération de l’argent comme producteur général et suprême qui fructifie toujours.
Par suite de ce système, on sépare les moyens matériels du travail humain ; leur réunion économique s’opère par le crédit et on arrive à la capitalisation universelle.
3 ° Quelques-uns des effets de ce régime du crédit sont :
a) Une concentration démesurée des puissances économiques et des fortunes et un grand développement matériel éphémère ; la diminution relative de la rétribution des travailleurs, malgré l’augmentation de la productivité et de la production ; la diminution de la capacité de consommation qui doit nécessairement produire un excès relatif (partiel) de production et des crises économiques, comme nous le constatons de nos jours.
b) L’augmentation de la productivité sert principalement à la classe capitaliste et tourne au détriment des producteurs réels, surtout des journaliers, dont la situation devient de jour en jour plus précaire. Les salaires ne suivent pas la marche ascendante des capitaux.
c) La combinaison du système de crédit et de la liberté absolue de la propriété a entraîné la capitalisation et la mobilisation de la propriété foncière.
d) Au début de l’application de ce système, la valeur vénale du sol éprouve une augmentation pour les propriétaires, mais cet avantage n’est que passager et est suivi de rudes mécomptes.
e) Crevée par l’hypothèque, la terre n’a plus à faire vivre seulement les propriétaires et leurs employés, mais encore, avec les ouvriers et les exploitants, les prêteurs hypothécaires.
f) Le commerce perd sa base solide et voit augmenter son élément aléatoire ; la morale doit nécessairement en souffrir : poursuivre les richesses par n’importe quels moyens éloigne de la religion et nuit à la morale privée et publique.
g) La création de la dette publique perpétuelle, contractée par les Etats, les provinces et les communes, même pour entreprises non lucratives. Cette dette permet aux capitalistes de s’enrichir, aux dépens de l’Etat, par les bénéfices qu’ils réalisent sur le prix d’émission des emprunts. Elle fournit aux spéculateurs un élément considérable pour l’agiotage et les jeux de bourse et aux rentiers le moyen de s’approprier les fruits du travail du peuple.
h) De grandes richesses à côté de grandes misères et non seulement de misères individuelles, mais la misère des masses ; en un mot, le paupérisme.
4 ° Les suites de ce régime ont été funestes, surtout pour la masse du peuple dépourvue de biens matériels et qui doit vivre du travail des mains.
Par suite du « libre jeu des forces » et de la soi-disant « loi d’airain », on peut dire que, tant que règnera le régime économique actuel, les classes ouvrières se trouveront dans une situation qui ne leur laissera aucun espoir d’amélioration sensible et durable.
5 ° Ce n’est pas toujours du reste tel ou tel acte qui est à incriminer, c’est le régime lui-même qui est usuraire et il l’est dans son essence, puisqu’il repose tout entier sur l’intérêt des valeurs improductives.
6 ° Cet état de choses, une fois établi, ne peut être modifié par des efforts individuels. Le pouvoir public, par certaines mesures, comme la protection des ouvriers, — surtout des femmes et des enfants —, les organisations du crédit, la défense de saisie des petites propriétés pour cause de dette, l’introduction de meilleures lois de succession, etc., pourra diminuer les effets du système de crédit, mais non les détruire.
7 ° Du reste, le capitalisme se détruit lui-même, en frappant les consommateurs dont il a besoin pour l’écoulement des produits du travail, — source de son revenu —, et en provoquant la révolte des travailleurs contre les propriétaires et la société qui les protège.
L’Union de Fribourg se propose de rechercher, dans les diverses sphères de l’activité économique, les manifestations de l’usure et d’indiquer les remèdes aux maux de toutes sortes qu’elle engendre.
Il convient d’ajouter que les auteurs catholiques les plus connus de l’époque n’hésitaient pas à écrire « qu’on ne pouvait pas être un catholique et capitaliste, tant la contradiction entre la justice voulue par Dieu et le système capitalisme était opposée. Revistez la riche de la pensée sociale de l’Église catholique (la doctrine sociale étant basée sur cette doctrine millénaire) qui a réellement généré une troisième voie de la modération pour le développement économique, c’est cette voie qui va recréer le monde actuel. Comme exemple, voyez le très bon site des meilleurs économistes distributistes américains : http://distributistreview.com
Il convient de retrouver cette connaissance en France en priorité. BONNE ROUTE !