Mardi 11 décembre, le Forum international de robotique agricole à Toulouse-Labège a été interrompu pendant une heure par une trentaine d’opposants. Nous avons occupé la scène du grand amphithéâtre du centre des congrès Diagora, en déployant plusieurs banderoles : « Des paysans, des animaux, pas des robots » ; « Des chantiers collectifs, pas des robots sélectifs » ; « Débranchez-les tous ». Un tract a été distribué aux centaines de personnes qui assistaient aux conférences depuis le matin. Quelques participants à cette perturbation étaient vêtus d’un gilet jaune.

Nous sommes intervenus pendant le discours d’un haut cadre du fabricant de tracteurs John Deer. Nous avons lu des passages du tract, puis des agriculteurs de notre groupe ont pris la parole pour expliquer plus personnellement pourquoi le développement de la robotique leur est hostile. Nous avons été pris vivement à partie par des gens dans la salle, à l’image de ces Américains furieux d’avoir pris l’avion pour se retrouver face à nous. Nous avons été insultés par des élèves des écoles d’ingénieurs toulousaines, qui ne savent visiblement pas bien ce qu’ont été le fascisme et le nazisme.

Les salariés et dirigeants du fabricant de robots Naïo Technologies, organisateurs du forum, nous ont fait un accueil moins agressif. L’une nous a certifié que si nous avions prévenu par avance de notre envie de prendre la parole, on nous aurait ouvert la porte et réservé une place dans le programme. L’autre (un des fondateurs de l’entreprise) nous a carrément dit qu’il était d’accord avec tout ce que nous disions, que c’était précisément pour toutes ces raisons qu’il travaillait à concevoir des robots agricoles. Nous lui avons demandé de le répéter au micro et de proposer un débat avec la salle sur les problèmes que nous soulevions, mais… il n’a pas voulu.

Les roboticiens de Naïo ne voient pas la différence entre une bêche et un robot : « Mais regarde, une bêche, c’est aussi une technologie ». Ils considèrent que nous sommes libres d’adopter les robots ou pas : « Mais les gens qui n’en veulent pas comme vous, qu’ils restent à l’écart, ce n’est pas un problème » ; cela nous a donné l’occasion de revenir sur les lourdes sanctions infligées aux éleveurs qui refusent le puçage électronique leurs bêtes, imposé par la loi. Enfin, ils nient farouchement leur appartenance à la classe des puissants – ceux qui ont les moyens de configurer, normer et abîmer la vie des autres : « Mais non, on n’a pas de moyens particuliers, on n’est pas soutenus par les institutions, c’est juste qu’on bosse énormément ; arrêtez de croire qu’il y a une ligne qui sépare les gens, on fait tous des efforts pour que la vie soit meilleure ».

Les startuppers, qui invitent la présidente de la FNSEA et une cadre dirigeante de Microsoft à leur raout, se présentent comme des petits au service des petits. Ils prétendent que leurs machines permettront à de modestes maraîchers bio de consolider leur position économique, sans voir toutes les tâches et les emplois qu’elles suppriment immanquablement. Nous maintenons que la « révolution robotique » favorisera l’agriculture la plus capitaliste, l’accroissement de la taille des exploitations, l’intégration de l’activité agricole à l’industrie et sa soumission aux géants du numérique. Celles et ceux qui disent mettre au point des robots au nom de la fumeuse « transition écologique » sont simplement des complices de ce processus de concentration économique, d’élimination des paysans, de domination de classe.

Nous avons quitté le Forum aux cris de « Microsoft, au compost ! », « Aah… anti, anti-start up nation ! », « Tout le monde déteste… les robots ». Nous invitons toutes celles et ceux que ces problèmes intéressent à entreprendre d’autres perturbations ailleurs, lors des prochains salons de promotion de la robotique agricole à travers la France.

Des paysans, des paysannes et leurs complices, réfractaires à la robotisation

Les derniers articles par Quelques "chimpanzés du futur" occitans (tout voir)