Pour que le global ne soit pas la logique du plus fort et le local la logique du plus pur

« VENDEURS D’APOCALYPSE »

Il y a trente ans explosait Tchernobyl. C’était le 26  avril 1986, à 1 h 23 précisément, lors d’un test de sécurité sur le réacteur 4, fleuron de la technologie soviétique. Erreurs techniques, perte de contrôle, surchauffe : en quelques secondes, la puissance du réacteur centuple. La centrale Lénine prend feu, le toit s’effondre, libérant l’équivalent de 350 fois la bombe d’Hiroshima. La zone est ravagée, faisant d’innombrables victimes. 600 000 « liquidateurs », chargés de limiter la contamination avec des moyens dérisoires, sont sacrifiés. Le nuage radioactif se répand sur tout l’hémisphère nord : la France est presque entièrement survolée le 1er mai. « En moins d’une semaine, Tchernobyl devint un problème pour le monde entier », raconte Svetalana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015, dans La Supplication. Ces Chroniques du monde après l’Apocalypse donnent la parole aux rescapés : « On nous jetait comme du sable sur le réacteur ». « L’idée que l’atome pacifique pouvait tuer, que l’homme était impuissant devant les lois de la physique n’entrait pas dans nos esprits… » « On peut comprendre la guerre… Mais cela ? »

COLOSSES  AUX PIEDS D’ARGILE

Non, on ne peut pas comprendre, appréhender cela, pas plus la force nucléaire que l’économie globalisée. C’est trop gros pour nous. En faisant de notre monde une gigantesque usine à gaz, l’humanité s’est embarquée sur une galère qui a tout du Titanic. Avec l’ère industrielle, c’est notre puissance elle-même qui fait désormais notre fragilité, et partant notre impuissance. Comme l’a montré le grand cirque de la COP21, nous sommes devenus incapables de régler les désastres que notre inconséquence provoque. Il nous a longtemps fallu nous battre contre la nature pour survivre ; c’est à présent contre nous-mêmes qu’il faut nous battre pour assurer notre survie en permettant la sienne.

La suite est dans le numéro 2 de Limite!