Dans la lignée de la théologie de la libération, l’Église du Chiapas, à l’extrême sud du Mexique, a été à l’avant-garde d’un processus d’émancipation économique et culturelle des indigènes locaux. Des graines plantées qui ont germé au sein du mouvement autonomiste zapatiste dans les années 1990, l’une des expériences anticapitalistes de transformation sociale et politique les plus radicales au monde. Avec Limite, partez sur les traces de cette révolution d’inspiration chrétienne dans les montagnes du Chiapas.

Reportage de Timothée de Rauglaudre

Le caracol Jacinto Canek est situé en lisière de San Cristóbal de Las Casas, au pied d’une forêt de pins. Accrochés au grillage qui le sépare de la route, des panneaux annoncent : «Centre de résistance autonome et rebelle zapatiste » ou « Non aux mégaprojets ». Le petit territoire autonome, fait de bâtisses en briques rouges, constitue l’un des douze caracoles, nom donné aux entités régionales au Mexique contrôlées par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). En espagnol, « caracol » veut dire escargot. La coquille du petit mollusque est omniprésente sur les fresques colorées qui ornent la zone zapatiste. « Nous avons choisi le symbole de l’escargot pour représenter notre mode de vie plus lent, en rupture avec le capitalisme », indique un jeune zapatiste.

C’est à quelques kilomètres de là qu’eut lieu, le 1er janvier 1994, l’occupation du palais municipal de San Cristóbal de Las Casas qui marqua le début du soulèvement zapatiste. Formée par des guérilleros d’inspiration marxiste, l’armée populaire est composée en majorité d’indigènes. Les affrontements avec les militaires ne durèrent que douze jours, au terme desquels s’engagea un dialogue avec le gouvernement, qui n’aboutit jamais. Depuis 2001, les rebelles zapatistes, reconnaissables à leur cagoule noire, ont décidé de poursuivre leur lutte en organisant un système autonome, avec ses propres formes alternatives d’économie, d’éducation, de santé ou de justice. En 2017, Le Monde diplomatique estimait que l’expérience zapatiste recouvrait un territoire de 28 000 kilomètres, soit plus d’un tiers du Chiapas, regroupant ainsi entre 100 000 et 250 000 personnes1. « À cette échelle et sur cette durée, l’aventure zapatiste est la plus importante expérience d’autogouvernement collectif de l’histoire moderne », y affirmait l’historien François Cusset.

L’Église comme source d’inspiration

Au fond du caracol Jacinto Canek, à l’écart des ateliers de couture, d’électronique ou de menuiserie, où s’exercent la transmission des savoirs manuels et l’autonomie économique des zapatistes, s’élève un bâtiment un peu particulier : le Centre indigène de formation intégrale (Cideci). Si elle a fermé ses portes en raison …

La suite de l’entretien est disponible dans la revue Limite n°26 « Débranchez le progrès » à retrouver en kiosque. 98p. 12€