Dans un contexte d’arrivée massive de réfugiés en Europe, les demandeurs d’asile albanais sont nombreux. Souad et Hendadeux bénévoles de l’association Human Relief Foundation (HRFs’insurgent contre l’indifférence générale qui touche ces oubliés d’un camp lyonnais

Chaque soir, aux alentours de 18 heures, tous les bénévoles se retrouvent dans leur local, situé à Villeurbanne (69). L’association refuse de récupérer les restes de repas donnés par les restaurants voisins. Depuis le milieu d’après-midi, Souad 24 ans, et ses collègues ne se sont pas accordées de pause. Elles se sont activées pour faire des courses et préparer des repas chauds pour la trentaine de réfugiés présents sur le camp. Dans la seule pièce éclairée, Souad s’occupe de répartir soigneusement la nourriture. Ce soir, les réfugiés pourront déguster une paëlla ou de la tartiflette, un tiramisu et des petits gâteaux.

La récolte a une nouvelle fois été bonne. A l’approche de l’hiver, les températures nocturnes
avoisinent déjà le zéro degré voire le négatif« Ils savent que nous venons tous les soirs avec un bon repas chaud préparé avec nos petites mains et des couvertures. On fait au mieux pour leur redonner le moral ne serait-ce que quelques heures » précise Souad, la plus ancienne des bénévoles avec son hijab noir.

Dans un espace concomitant, et pour pallier au manque de moyensles bénévoles ont improvisé une cuisine de fortune avec des cagettes en bois. Les bougies ont remplacé les ampoules, qui ont grillé quelques minutes après la tombée de la nuit. Peu importe, ils se doivent d’assurer leur mission : celle de venir en aide à des personnes dans le besoin. La tartiflette doit être préparée et servie. Pas de temps à perdre. Il est plus de 20 heures et les bénévoles sont attendus avec impatience sur le camp. 

A peine sont-ils arrivés, que Henda, 42 ans, et Sadek, 20 ans, s’empressent de préparer la distribution du repas qui comme d’habitude se fera dans le calme. Chaque sac contient une bouteille d’eau, des couverts, et le repas chaud. Avec les heures, le froid n’épargne personne. Il est 22h30, le camp devient plus silencieux. Les bénévoles, emmitouflés dans des couvertures, sont toujours présents au coin du feu avec les réfugiés. Un moment de partage. Assise au bord du canapé, avec son blouson noir à fourrure, Henda demande aux réfugiés si ils ont des nouvelles de la Mairie depuis la dernière maraude de la veille.

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Les hommes, plus téméraires, jouent au football. Kamel, un ami de Henda, jongle avec le ballon. Indrit, en tee-shirt rouge malgré la fraicheur, attends la passe de son ami. Indrit a 23 ans, il a quitté l’Albanie en 2013 dans l’espoir de trouver un travail d’architecte. « Ici, on est comme des animaux. Au moins elles, elles ont eu l’intelligence de voir au-delà de notre statut de réfugié » témoigne le jeune albanais avec un français approximatif. « On a confiance » ajoute l’étudiant avant de rejoindre ses amis. « Je ne peux pas imaginer un seul instant ne rien faire pour eux, je me sentirais tellement honteuse. Les voir est devenu un besoin » confesse Henda.

Emirena a 15 ans, elle est arrivée en France en 2009 avec ses parents et son oncle. Pour la énième fois, elle est expulsée et à la rue. Toujours vêtue de sa doudoune rouge, et d’un jogging, elle sert de traductrice pour l’ensemble de sa communauté. Emirena est une très bonne élève, et a obtenu son brevet avec mention. Elle rêve de devenir avocate. La jeune albanaise a toujours le sourire quand elle évoque sa rencontre avec les bénévoles de HRF, et surtout avec Henda. « Je sais que je peux compter sur elle, c’est un soutien » confesse la jeune fille.

Emirena se souvient de ce jour d’octobre 2015 où la police a débarqué dans son appartement pour expulser sa famille et tous les autres réfugiés du quartier. « C’était très violent, on a pas eu le temps de récupérer nos affaires. J’ai juste réussi à prendre nos passeports » raconte t-elle avec un accent prononcé. Elle pensait être seule, mais elle a pu compter sur la solidarité des bénévoles. Depuis l’ordre d’expulsion dont ils ont fait l’objet, les réfugiés ont face à eux un immeuble barricadé. Ils sont désormais à la rue, et dorment au pied des immeubles, là-même où ils squattaient des appartements destinés à être détruits. Faute de pouvoir obtenir un logement, ils vivent dans des tentes apportées par les membres de l’association.

Cette nuit encore, ils dormiront à le belle étoile en attendant, avec impatience, le lendemain pour partager un nouveau moment avec les bénévoles.