Face à l’urgence écologique, outre le déni, deux options se dessinent. Alors que le « développement durable » tente de concilier croissance du PIB et respect de l’environnement, la décroissance remet en cause l’idée même du développement. Minoritaire et souvent caricaturée, elle ouvre pourtant des perspectives libératrices. Entretien croisé avec deux décroissants militants.

« Moins mais mieux » : cette formule résume-t-elle bien la décroissance ?

Vincent Liegey : C’est un bon slogan, mais un peu réducteur. La décroissance est multi-dimensionnelle. Elle invite à déconstruire des croyances implicites qui ne sont pas débattues, pour aller à la racine des problèmes et sortir de la « société de croissance », en tant que paradigme : une société de l’hubris, de la démesure. C’est en cela qu’elle est radicale, et non extrémiste.

Aurélien Bernier : Il manque une idée centrale : la répartition des richesses, qui est indissociable d’une approche politique de la décroissance. On peut dire à la classe moyenne qu’elle peut vivre mieux avec moins, mais pas aux classes populaires ! Si nous voulons nous adresser à la société dans son ensemble et détruire l’idée selon laquelle le progrès social passe par la croissance, il faut impérativement commencer par revendiquer une redistribution. C’est la même chose au niveau des relations internationales : le débat sur la décroissance n’a de sens que si nous pensons des transferts de richesses entre pays.

Trouvez-vous que, malgré tout, la prise de conscience écologique progresse ?

VL : Il y a une dizaine d’années, quand j’ai commencé à parler de décroissance, j’étais non seulement invité quasiment nulle part mais, quand je l’étais, je devais commencer par le b.a. ba, l’acidification des océans, la chute de la biodiversité… Aujourd’hui, par exemple, que la quête d’immortalité est un leurre dangereux ; les productivistes et les transhumanistes, qu’il faut les transgresser et contrôler le vivant.

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