« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure », écrivait Georges Bernanos au siècle dernier. Que dirait-il aujourd’hui ? Le bruit – auditif, visuel, mental, physique – a tout envahi. Au point de détruire toute intériorité, mais aussi toute extériorité. A l’heure de Big Data et du panopticon numérique, il ne subsiste plus rien d’extérieur au bruit. Il n’y a plus que du bruit.

On ne comprend absolument rien non plus à la civilisation moderne si l’on n’admet pas aussi tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie extérieure. Contre toute forme de vie extérieure à elle-même. L’ensemble des médias et multimédias de plus en plus englobants – presse, édition, télévision, radio, cinéma, internet – sont eux-mêmes englobés dans le panoptique numérique global dans lequel il n’y a plus intérieur ni extérieur, mais écran, surface et interface seulement – sans rien dehors ni dedans, sans même dehors ni dedans : c’est la transparence à travers laquelle rien d’autre qu’elle-même ne transparaît, c’est la pornographisation intégrale de l’existence – où toute intimité, même et surtout sexuelle, est non pas dévoilée – car il n’y a là plus place pour quelque dévoilement que ce soit, dévoiler quelque chose suppose qu’il reste quelque chose à dévoiler, quelque chose de voilé (et la réaction des Françaises musulmanes volontairement voilées alors que souvent issues de familles peu religieuses et peu religieuses elles-mêmes a quelque chose de symptomatique à cet égard) – mais exposée et surexposée dans les lumières digitales des webcaméras universelles.

« L’état de notre époque requiert un grand silence », écrivait le poète latin Fulgence alors que l’Empire craquait de toutes parts. Et il craque encore aujourd’hui.

Face à cette conspiration du bruit, fomentons la conjuration du silence. Face à la majorité bruiteuse, tweeteuse, réseauteuse, soyons la minorité silencieuse.

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