Comment se fait-il qu’une société qui a proclamé la liberté individuelle comme valeur absolue se trouve avec un arsenal judiciaire sans précédent ? Emmanuel Roux nous éclaire sur cette ambivalence par la pensée de Jean-Claude Michéa. 

La pensée de Jean-Claude Michéa se présente d’abord comme une généalogie de la civilisation « libérale ». Cette civilisation s’est construite en trois temps. D’abord la définition d’un projet moderne, au moment des Guerres de religion, cherchant à reconstruire un corps social pacifié en excluant la notion de « souverain bien », issue de la tradition classique. Pour Michéa, c’est la matrice du « libéralisme », qui est au départ une posture de scepticisme éthique et politique, et donc de « tolérance », qui conduit à mettre à distance des conceptions particulières et relatives du « bien ». C’est un projet qui doit permettre à l’individu de vivre en paix et de s’émanciper de totalités enfermantes et meurtrières. Mais la civilisation libérale selon Michéa n’aurait pas vu le jour si on s’était arrêté là. 

Pour Michéa, c’est la matrice du « libéralisme », qui est au départ une posture de scepticisme éthique et politique, et donc de « tolérance », qui conduit à mettre à distance des conceptions particulières et relatives du « bien ».

Le projet moderne s’est incarné ensuite dans « une anthropologie utilitariste et individualiste marquée par le primat de l’intérêt ». Pour reconstruire le corps social sur des bases incontestables, il faut l’appuyer sur la science. Ce sera l’œuvre du XVIIe siècle. La physique sociale enseigne que l’homme est un être de désir qui cherche à maximiser son intérêt dès lors qu’aucune force ne le retient. L’animal politique cher à Aristote disparaît complètement des représentations de la politique pour laisser place à un « loup » qui traite l’autre comme moyen et jamais comme fin. Ce pessimisme anthropologique légitime le rôle d’un État d’autant plus fort qu’il aura discrédité par avance toute forme de communauté politique s’organisant à partir des citoyens eux-mêmes (…).

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