Ce jour-là, nous avions rendez-vous avec une certaine idée de la France. Un cigarillo à la main, tout en élégance et décontraction, Jean de Gliniasty a représenté notre pays comme ambassadeur au Sénégal, au Brésil et en Russie, jusqu’en 2016. Ce diplomate expérimenté est très critique d’une géopolitique uniquement basée sur une vision occidentale, comme l’exprime son dernier ouvrage La diplomatie au péril des valeurs : pourquoi nous avons eu tout faux avec Trump, Poutine et d’autres (L’Inventaire). Aujourd’hui, le directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) nous accorde un entretien vif et lucide sur nos ratés diplomatiques, la perte de notre indépendance et les possibilités d’une rénovation de notre doctrine géopolitique.

L’écologie a souvent été absente des relations internationales, sauf depuis quelques années… Où la situeriez-vous dans votre analyse des enjeux géopolitiques contemporains ?

À mon sens, l’écologie, ou en tout cas un certain point de vue écologique, se trompe sur le monde tel qu’il est. Ce point de vue se fonde sur l’idée que notre modèle – le modèle occidental – est aujourd’hui dominant, que nos valeurs sont globalement partagées et que le temps est donc désormais venu de s’atteler à l’essentiel : sauver la Terre. Or, le fait est qu’il n’y a pas eu de généralisation des valeurs occidentales. Il n’y a pas d’harmonisation croissante du monde. Au contraire, le monde multilatéral se défait. Nous en revenons à la bonne vieille logique des relations internationales, celle où dominent les notions de « puissance » et d’« intérêt national ». Je relève donc une contradiction fondamentale entre la tonalité universelle revendiquée par le discours écologique et la portée réelle de ce discours dans un monde de nouveau dominé par la logique des rapports de puissance entre États…

Rapports de puissance qui sont souvent ramenés à un clivage entre, d’un côté, les pays respectueux des droits de l’homme et, de l’autre, des régimes autoritaires.

Sur les droits de l’homme, je dirais à peu près la même chose que sur l’écologie. Le rêve d’expansion infini des « valeurs occidentales » portait le rêve d’une unification croissante du monde sous la bannière des (…)

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