Frédéric Héran est économiste et urbaniste, maître de conférence à l’université de Lille. En France, il compte parmi les plus fins connaisseurs de l’histoire sociale et géographique de la petite reine. Son ouvrage, Le retour de la bicyclette. (La Découverte, 2015), fait figure de référence. Pour Limite, il a accepté de retracer la grande épopée du vélo et de répondre à quelques questions brûlantes d’actualité. Extrait choisi.

Entretien mené par Théo Moy.

Illustration de Marguerite Le Bouteiller pour Limite.

Comment expliquer qu’à partir des années 1970, on observe ici ou là un retour du vélo ?

La population n’a jamais cherché à relancer le vélo, elle s’est en revanche battue contre les nuisances provoquées par la voiture. Dans les villes, la voiture a envahi tous les espaces disponibles. À Paris, la place de l’Hôtel de ville et le parvis de Notre Dame étaient des parkings géants ! Le détonateur des premières vagues de réduction de la place de la voiture c’est un cri du cœur : « arrêtez d’écraser nos enfants ! ». Ce cri est venu de deux territoires parmi les plus anciennement urbanisés en Europe : les Pays-bas et l’Italie du Nord. En 1969, les Néerlandais inventent la cour urbaine et les Italiens la Zone à Trafic Limité. La Suède s’est motorisée dès les années 1930 et a eu une expérience précoce des problèmes posés par la voiture, elle réduit sa place dès 1970-1980. Au contraire, en France ou en Espagne on a commencé dans les années 1990-2000. Partout, dans les espaces libérés de l’emprise automobile, on remarque que le mode de transport le plus intéressant est le vélo.

Il n’y a donc aucune explication culturelle dans la pratique du vélo ?

L’erreur serait de comparer la situation du vélo dans plusieurs pays à un instant T. Les Allemands ne font pas plus de vélo que les Français pour des raisons culturelles ! Il faut adopter une vision cyclique. Les pays se saisissent du vélo de la même manière et pour les mêmes raisons, mais de façon décalée dans le temps. Cette approche de longue période permet de dévoiler un véritable déterminisme historique, c’est comme si tous les pays voulaient expérimenter eux-mêmes combien la voiture pose de problèmes ! La Chine a voulu construire des autoroutes partout et constate aujourd’hui les difficultés que cela pose. Elle met déjà en place des mesures de modéra- tion automobile. Tout dépend de la temporalité des décisions politiques visant à réduire la place de la voiture.

Pour revenir à la France, aujourd’hui, quels signes montrent que l’on vit un « moment vélo » ?

Il y a un indicateur qui nous montre que le vélo n’est pas une mode éphémère et urbaine, mais que son usage est en train de s’imposer pour longtemps, et qu’il va prendre des proportions que l’on n’imagine pas : c’est la diversité des vélos. Il y a toutes sortes de vélos, on en découvre chaque semaine de nouvelles. Les vélo-cargos, cela n’existait pas il y a 10 ans. Maintenant, on en trouve partout ! Il y a même un magasin spécialisé dans Paris depuis cette année. Le vélo à assistance électrique, inconnu en 2005, connait un succès inédit. Et sa diffusion en France suit la même courbe qu’aux Pays-Bas, avec 5 ans de retard.

Retrouvez cet entretien en intégralité dans le numéro 21 de la revue Limite et son dossier social consacré au vélo, meilleur ami de l’homme !

Commandez-ce numéro, abonnez-vous ou retrouvez-le chez votre libraire.