Bon, pour être honnête avec vous, chers lecteurs de Limite, nous n’avons trouvé que 4 différences, voire 5 si l’on compte l’identité du parti politique pour lequel François Ruffin et François-Xavier Bellamy sont encartés. Certes, ils se rejoignent autour de la critique du progrès et du transhumanisme, à l’instar de leur entretien dans le dernier numéro de notre revue. Mais quand bien même, leur parcours et leurs engagements politiques se croisent et s’opposent. Découvrez les différences notables entre François et François-Xavier, nos deux députés décroissants préférés. 

PAR GRÉGOIRE HINTERLANG ET MARGUERITE ARCHAMBAUT

Le moderne et l’ancien

Le premier naît à Amiens en 1975, sous Giscard, et finira à gauche. Le second vient au monde en 1985 à Paris, sous Mitterrand, et finira à droite ; des trajectoires qui ressemblent à une révolte contre le père de la nation de leur naissance. François choisit les lettres modernes après un passage au lycée jésuite : on ne refait pas les François. François-Xavier se passionne pour les lettres anciennes et la philosophie. Il goûte déjà à la puissance de la transmission : le X de Xavier l’avait prédestiné au grec.

Les panseurs

Ruffin, sorti du centre de formation des journalistes, crée dès 1999 le journal Fakir en réaction au silence du média local sur la délocalisation d’une usine Yoplait. Décrypter les plaies des violences sociales pour mieux les panser, voilà le souci qui l’anime aussi dans les colonnes du Monde Diplomatique et sur les ondes de France Inter. Un livre ? « Leur progrès et le nôtre », sortie en 2021 (Seuil).

Bellamy, fraîchement normalien agrégé de philosophie et plus jeune adjoint au maire de Versailles, choisit la politique locale ainsi que l’enseignement pour conjurer à son échelle la crise de la transmission et la victoire de l’inculture, qu’il analysera en 2014 dans un essai à succès : Les Déshérités ou l’urgence de transmettre (Plon).

Leur entrée sur scène

Si cet essai le propulse sur le devant de la scène, cela fait déjà quelques mois que FXB est monté sur les planches. En lançant les « Soirées de la Philo », conférences bénévoles, il continue le soir ce qu’il fait en journée : instruire non plus une classe mais une foule de plus en plus nombreuse.

Ruffin élargit lui aussi son public. Il choisit pour cela la caméra, avec son documentaire sur Bernard Arnault Merci Patron ! pour lequel il recevra un César. Ainsi consacré, la politique ne pouvait que le rattraper. Le film connaît un franc succès, occulté par des médias que d’aucuns diraient complaisants avec le coupable désigné. Il participera peu après à la création du mouvement Nuit Debout.

Deux parlements, deux ambiances

Alors que Bellamy est battu de peu lors des législatives de 2017, Ruffin entre à l’Assemblée aux couleurs de Picardie Debout et intègre le groupe des Insoumis. Il utilise cette tribune chaque fois que possible pour « secouer la couenne des administrations » : maillot de foot au perchoir, présence sur les ronds-points des gilets jaunes, documentaire sur les métiers du lien (Debout les femmes), etc. Ruffin, toujours debout, toujours vent debout.

FXB, avant d’être propulsé tête de liste aux Européennes pour LR en 2019, profite d’une année calme pour écrire Demeure, dans lequel il enjoint à échapper au mouvement perpétuel. Sa nouvelle demeure sera le parlement européen, où il aura la bougeotte pour peser dans les débats – il défendra entre autres l’idée protectionniste d’une barrière écologique. Il intervient régulièrement dans le débat national notamment pour alerter sur les dangers transhumanistes induits par les lois de bioéthiques.

Ruffin soutient Mélenchon en 2022, Bellamy Pécresse tout en appelant à voter Zemmour en cas de second tour contre Macron : deux choix diamétralement opposés pour deux hommes luttant contre le sens de l’histoire, Bellamy pour empêcher que le monde ne se défasse, Ruffin pour construire un autre avenir en commun.

La totalité de la revue Limite n°26 « Débranchez le progrès » à retrouver en kiosque. 98p. 12€