Pendant les dernières présidentielles, Djordje Kuzmanovic était porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise. Dans  un certain milieu engagé, plutôt jeune, Djordje est vu comme le patron. « Sur les questions internationales et la Défense militaire, c’est lui le meilleur en France », confie-t-on. On l’appel aussi « le camarade patriote ». Les drapeaux bleu blanc rouge claquent, les chansons patriotiques et socialistes aussi. « C’est un lecteur de Jean-Claude Michéa » m’avait-on lancé pour me convaincre. À l’université d’été de la Sainte Baume, en août 2017, cet orthodoxe aux origines Slave avait fait sensation face au très libéral Christophe Le Bihan. Un chrétien qui se déclare « socialiste »avant d’être « de gauche ». Un homme politique qui considère la crise écologique comme la plus grande urgence. Un père de famille enfin, qui ne goûte pas au progressisme de son camp. Non, vraiment, il fallait que je rencontre le phénomène.

 

Parmi les figures politiques engagées « à gauche », vous êtes l’un des rares à vouloir incarner un socialisme traditionnel, basé sur la lutte contre la pauvreté. Vous n’avez pas perdu espoir?

Je pense que c’est une urgence, la Gauche durant les quarante dernies années s’est dévoyée. Elle est entrée dans un creux qu’on peut appeler contre-révolutionnaire. C’est-à-dire qu’elle s’est ralliée à l’économie de Marché et à une conception du monde productiviste. Aujourd’hui, politiquement, il n’y a plus de limites à l’expression du libéralisme. Que ce soit par les lois El Khomri ou l’attitude du MEDEF qui exige toujours plus- alors qu’il y a quelques temps ils y mettaient encore les formes- on constate que la libéralisation de la société se fait à grande vitesse. La première urgence est écologique, c’est une urgence qui nous mets au bord de la catastrophe, au bord du gouffre. Or l’attitude de la gauche a permis la victoire du productivisme débridé. Elle a perdu le cœur de son programme, le combat pour une vie décente des êtres humains. Avoir un toit, vivre dans un monde sain. La tradition de pensée qu’incarne récemment un écrivain comme Jean-Claude Michéa remets les choses dans le bon ordre. Il y a des priorités et il s’agit clairement de les définir. Pour les socialistes comme moi, ces priorités sont sociales et environnementales.

Jean-Claude Michéa, bien connu de cette revue, est-il suffisamment lu « à gauche »? J’ai le sentiment qu’il est lu par la « droite » pour combattre la gauche libérale, mais guère convoqué pour son socialisme…

Tout d’abord, vous avez raison de prendre des précautions en parlant de « gauche » et de « droite ». Moi, je ne suis pas d’abord « de gauche », je suis avant tout socialiste. Je pense que Michéa a été beaucoup lu par les « patriotes », cette droite qui reprends des idées socialistes et qui a trouvé un moyen efficace pour taper sur les sociaux-démocrates. Mais « à gauche », beaucoup croit l’avoir lu et le caricaturent. Leurs critiques trahissent des positions « sociales-démocrates » ou libertaires . Michéa doit leur être un miroir dans lequel il n’est pas agréable de regarder. L’idée la plus géniale du disciple d’Orwell les bouleverse : la Gauche et le socialisme ont fait front commun au dix-neuvième siècle parce que ça faisait sens et qu’il y avait une opportunité concrète de renverser le capitalisme.  Mais il n’y avait pas de nécessité à ce qu’ils poursuivent leur route ensemble.

Demain, ça peut changer?

Pour l’extrême gauche libérale, il va y avoir une douche froide pendant ce quinquennat.

 

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Paul Piccarreta