Avec la pandémie de COVID-19 qui poursuit sa route dans le monde, l’ouverture incertaine des frontières pour la saison estivale, et le confinement qui a remis à plat beaucoup de nos certitudes, l’heure risque d’être aux vacances à la maison. Quoi de mieux que cette immobilité forcée pour (re)découvrir notre lieu de vie en dehors du cadre métro-boulot-dodo ? Limite vous fait découvrir Paris Par Rue Méconnues (PPRM), une Société coopérative d’intérêt collectif, assez Limito-compatible, qui s’est donnée pour mission de faire découvrir les quartiers de Paris par ses habitants.

Crédits photos : Laurent LÔ Paris Photography

VOYAGER SANS BOUGER

Voyager et se dépayser tout en restant chez soi, c’est ce que propose PPRM. PPRM, c’est 13 ans d’efforts à nouer et tisser des liens de confiance avec les habitants de tous les quartiers de Paris afin qu’ils acceptent d’ouvrir leurs portes à des étrangers. (Re)visiter Paris avec PPRM, c’est découvrir les quartiers parisiens au travers des petites et grandes histoires de leurs habitants, en rentrant chez eux, et en s’imprégnant de leur univers. C’est aussi pousser des portes dérobées pour découvrir un patrimoine caché qui passe sous les radars des connaisseurs les plus avertis. Et l’expérience vaut largement le détour !

Déconfinement et arrivée de la saison estivale obligent, PPRM s’est attelée à renouer avec ceux qui la font vivre : les habitants de Paris. La coopérative revendique pas moins de 592 visites thématiques dans la capitale. Nous nous sommes contentés de les accompagner dans les quartiers de Belleville, Jourdain et Ménilmontant, à la rencontre des habitants qui ouvriront cet été leurs portes aux Parisiens qui veulent (re)découvrir leur ville ou aux touristes avides d’une expérience unique en son genre. À peine la visite entamée, le ton est donné : « Il existe pas moins de 7973 cours intérieures dans ces trois quartiers, principalement concentrées entre les stations de métro Belleville et Jourdain » nous annonce Angénic, la fondatrice de PPRM. Nous passerons une grande partie de la journée à les parcourir. Ces quartiers sont d’intérêt puisque malgré la gentrification et l’embourgeoisement qu’ils connaissent, ils sont encore les témoins d’un Paris populaire que l’on pensait disparu, mais qui est encore bien vivant et que PPRM se charge de nous faire découvrir. « Ces trois quartiers sont aussi les seuls de la capitale à avoir été relativement épargnés par les rénovations haussmanniennes » nous précise Anne-Bénédicte, la directrice de PPRM, ils sont donc les derniers témoins du Paris d’antan.    

LA CAMPAGNE ET LE MONDE À PARIS

La première chose que l’on constate lorsque l’on rencontre l’équipe de PPRM, c’est leur parfaite connaissance de l’histoire des quartiers qu’ils font visiter. Mais on ne parle pas ici de la grande Histoire ! mais plutôt de l’histoire populaire, des anecdotes concernant tel ou tel lieu, telle ou telle rue, tel ou tel cinéma qui occupait auparavant tel ou tel espace. L’accent mis sur le patrimoine vernaculaire aussi, celui que l’on qualifie maladroitement de « petit » patrimoine, mais qui concerne la vie des gens de tous les jours et qui est si souvent passé sous silence par les circuits touristiques conventionnels.

Nous avons été très surpris du Paris que nous avons découvert. Qu’il s’agisse d’allées fleuries, de jardins intérieurs, d’anciennes usines ou fabriques, d’architecture populaire et ouvrière, de maisons indépendantes, tous ces lieux sont habités par des gens résidant là depuis plusieurs décennies et qui ne semblent pas concernés par la mobilité perpétuelle que promeut notre époque. À l’image de Thoune, une artiste-peintre qui habite depuis plus de trente ans au fond d’une allée fleurie, dans une maison où le sol est encore en tomettes, un ancien revêtement qui a largement disparu des habitations parisiennes.

Ces allées fleuries, on y accède par la rue pour les plus connues. Mais une multitude d’autres sont cachées, et il faut souvent entrer dans un immeuble, traverser un vestibule, et ressortir par une porte arrière cachée pour les découvrir. C’est là que l’on constate que le travail de recherche et d’inventaire effectué PPRM est impressionnant. Ces allées cachées sont les plus belles, de véritables hommages à la verdure en plein Paris. Elles débouchent aussi souvent sur des jardins, comme celui de Michel, qui est réalisateur, et qui nous invite à nous asseoir avec lui et ses amis, à boire un verre, et à partager des cerises de l’Yonne. Car les habitants ne sont pas juste là pour nous faire découvrir leur chez eux ; ils aiment aussi échanger et discuter. C’est ce qui rend PPRM unique : nous rencontrons des gens et nous échangeons avec eux. C’est cette même volonté d’échange et de rencontres qui nous amène chez Bertrand BELLON, artiste peintre, fondateur de l’association Le Ratrait, et installé dans le quartier depuis plus de vingt ans. Sa maison, une ancienne usine, et son jardin dispose d’un puits ! Un puits chez soi en plein Paris ! Il y puise toute l’eau nécessaire à l’entretien de son jardin. Ce puits rappelle l’importance qu’a eue l’eau dans l’histoire de Belleville et qui se retrouve encore aujourd’hui dans nombre de noms de rues (des Rigoles, des Cascades, de la Mare, etc.) 

Mais Belleville, Jourdain et Ménilmontant, ce n’est pas que des allées fleuries et des jardins cachés. C’est aussi des commerçants, souvent uniques ! KATS y tient sa boutique depuis 1986. Artiste peintre, il « fantasme Belleville par ses toits » comme il aime dire, avant d’ajouter « les artisans sont les liens du quartier. Il y reste d’ailleurs toujours des métiers que l’on pensait disparus : tapissiers, luthiers, facteurs de pianos, ébénistes, etc. » Belleville fut aussi jadis un quartier d’immigration, et PPRM nous invite à découvrir les communautés étrangères qui s’y sont installées, à l’instar de la communauté bhoutanaise. C’est ainsi que nous avons découvert la Maison du Bhoutan, l’unique commerce de produits du Bhoutan de toute l’Europe, tenu par Tenzin, un ancien moine bouddhiste installé à Belleville depuis plus de quinze ans.

LE TOURISME AU SERVICE DE L’ACTION POLITIQUE

L’action de PPRM se veut aussi politique. Nous avons rencontré Michèle et Dominique, photographes qui habitent la Cité Leroy depuis 1975. Située en plein cœur d’un dédale de ruelles et d’anciennes maisons, la Cité Leroy constitue, avec la Villa de l’Ermitage adjacente, le dernier vestige de l’ancien village de Ménilmontant. Véritable oasis rurale en pleine ville, la mairie de Paris a tenté d’y construire des immeubles modernes au début des années 2000. Avec Angénic (et l’association Belleveille insolite), ils furent au front de la contestation pour protéger cet ilot pittoresque en plein Paris, avec succès.

Mais PPRM met surtout son expertise au service des plus démunis. Elle est à la tête de l’initiative « Résous-moi, je suis le lien que je tisse », un festival organisé à Belleville autour de concerts, de rencontres d’artistes, de conférences et d’ateliers, et qui vise à récolter des fonds pour le soutien à l’éducation en Afrique.

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Cet article offert est tiré du dossier culture du dernier numéro de la revue Limite. Vous pouvez la trouver à la commande en ligne et en librairie !

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