Comment en sommes-nous venus à scier la branche sur laquelle nous sommes assis ? Lorsque j’ai commencé, il y a une dizaine d’années, mes recherches en paléoanthropologie, nous étions peu nombreux en France à pousser la critique au-delà de l’ère industrielle. Pour sortir un peu de mon ermitage studieux, Pablo Servigne me suggéra d’entrer en contact avec Vincent Mignerot, un autre « anthropodidacte » lyonnais qui venait de lancer le Comité Adrastia. Alors que la perspective de l’effondrement est de plus en plus médiatisée, je lui ai proposé de creuser le sujet dans Limite. Titulaire d’une maîtrise en psychologie clinique, Vincent Mignerot a été successivement technicien cordiste, responsable d’agence dans les travaux d’accès difficile, et entrepreneur. Depuis 2014, il est président d’honneur d’Adrastia et a rejoint en 2015 le groupement de recherche Esthétique, Art et Science du CNRS. Autodidacte, il a publié plusieurs ouvrages dont Transition 2017, Réformer l’écologie pour nous adapter à la réalité (Éditions SoLo, 2017).

Aujourd’hui, les symptômes de la catastrophe écologique ne manquent pas de greffiers et cet état des lieux est largement partagé, y compris par les plus hauts responsables. Pourtant on continue de nous parler de croissance du PIB, de voyages low cost, d’objets connectés, etc. Pourquoi ce grand écart ?

Nous n’avons pas un problème écologique en soi, nous avons un problème existentiel, qui génère un problème écologique. Comme pour toute espèce, c’est notre capacité d’emprise qui nous permet d’extraire des ressources et de l’énergie pour assurer notre existence. Or, chez l’humain cette capacité d’emprise est fulgurante. Aujourd’hui, la mondialisation de nos rivalités impose aux grands acteurs de maintenir leur capacité d’emprise en tension maximale pour ne pas décrocher et risquer de se faire manger par les autres. Le grand écart entre le constat écologique et les actes subsiste parce que ce problème existentiel sous-jacent demeure.

Notre emprise sur le monde a aussi pour effet de nous rassurer face à l’inéluctabilité de notre mort physique.

Oui, plus nous sommes inquiets, plus nous nous défendons matériellement, y compris parfois à nos dépens. Par exemple, plus nous parlons de la catastrophe écologique, plus nous alimentons une ambiance anxiogène, plus les ventes d’équipements de confort et de sécurité s’envolent (climatiseurs, 4×4, etc.) et participent à aggraver, par leur production et usages, notre empreinte écologique !

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