Nos amis du blog Le Comptoir sortent leur premier numéro papier baptisé « Recherche socialisme désespérément » – un numéro de 119 pages où l’on découvre un travail éditorial et graphique d’une grande qualité. Ces jeunes pousses révolutionnaires sont restées fidèles aux idées qu’elles développent depuis deux ans sur internet, en mêlant analyse, reportage et grands entretiens. Entretien avec Kévin Victoire, co-fondateur du blog Le Comptoir et collaborateur de Limite.
Votre blog Le Comptoir vient de sortir son premier numéro papier. Le Comptoir ça fait plutôt populiste, non ? Qu’est-ce qui vous distingue des autres populistes ?
Quand le terme « populiste » est apparu dans notre langue au début du siècle dernier, il renvoyait à des partis d’inspiration socialiste en Russie et aux Etats-Unis. Les « narodniki » (ou « gens du peuple » en russe) est un mouvement né au XIXe siècle qui défendait un socialisme agraire, adapté à la Russie de l’époque encore largement féodale et peu industrialisée. Les narodniki donnent naissance en 1901 au Parti socialiste révolutionnaire (SR). Outre-Atlantique, les populist formaient un mouvement d’agriculteurs et petit-bourgeois, rejoints dans un second temps par des ouvriers, qui voulaient retrouver l’esprit des fondateurs de la démocratie américaine, contre la nouvelle grande bourgeoisie. Le point commun entre ces deux populismes est d’avoir voulu incarner un socialisme adapté aux peuples, contre un certain marxisme hétérodoxe qui tend à l’uniformisation. Un peu plus tard, le populisme a désigné en France un mouvement littéraire fondé par André Thérive et Léon Lemonnier entre la fin des années 1920 et le début des années 1930, qui a voulu faire du peuple le sujet principal de ses romans. Un prix du roman populiste, qui récompense une œuvre qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu’il s’en dégage une authentique humanité » est créé en 1931. Ce prix est notamment remporté en 1940 par Jean-Paul Sartre pour Le Mur.
Evidemment, les mots évoluent et ne sont pas figés. Le « populisme » est une culture politique qui entend défendre le peuple. Mais ce mot peut être entendu de différente manière, selon que l’on parle du peuple politique (demos grec ou populus romain), du peuple identitaire (ethnos grec) ou du peuple social (les classes populaires : la plèbe romaine). Et donc, pour répondre à votre question,notre populisme social n’est donc effectivement pas le seul possible, mais il est aujourd’hui défendu par des personnalités comme François Ruffin ou Chantal Mouffe. A la suite de Christopher Lasch dans La révolte des élites (1994), nous estimons que les élites – « ceux qui contrôlent les flux internationaux d’argent et d’informations, qui président aux fondations philanthropiques et aux institutions d’enseignement supérieur, gèrent les instruments de la production culturelle et fixent ainsi les termes du débat public » – menacent la démocratie par leur mode de vie et l’idéologie qu’elles véhiculent. S’il existe encore un espoir, il est du côté des « gens ordinaires ». Nous reviendrons d’ailleurs sûrement plus précisément sur cette question dans notre revue.
Günther Anders, disciple de Marx, écrivait dans un entretien qu’il fallait rompre avec une vision progressiste du marxisme. A sa suite, avez-vous décidé d’épouser le camp conservateur ?
Günther Anders va même plus loin en expliquant en 1977 qu’avant d’être révolutionnaires, « nous devons être conservateurs au sens authentique, conservateurs dans un sens qu’aucun homme qui s’affiche conservateur n’accepterait ». Je rejoins évidemment Anders sur cette nécessité d’être conservateur face aux ravages provoqués par le techno-libéralisme. Il y a d’abord les ravages sur notre environnement naturel, que ça soit le réchauffement climatique ou la destruction des ressources naturelles imposés par la recherche effrénée du profit et de la croissance économique. On bétonne un mètre carré toutes les 26 secondes en France. Outre l’uniformisation et la laideur qu’entraîne ce processus, à terme, c’est notre milieu naturel qui est menacé. Mais la question écologique n’est pas la seule. S’il ne faut pas idéaliser le passé, ni penser naïvement que « c’était mieux avant » – songeons par exemple aux conditions des femmes et des minorités ethniques ou sexuelles –, force est de constater que certaines choses étaient mieux avant. La « désagrégation de l’humanité en monades dont chacune a un principe de vie » dénoncée par Engels dès 1845 (La situation de la classe laborieuse en Angleterre) a atteint un stade avancé. Chaque jour, le capitalisme, qui est un « fait social total » – c’est-à-dire qui a des implications dans toutes les sphères de nos vies et pas seulement sur l’économie –, avec l’aide de la publicité, de la culture de masse, de la télévision, des réseaux (a)sociaux et du numérique détruit les bases anthropologiques de nos sociétés. Analysant l’évolution de nos sociétés et surtout la naissance de ce qu’on appelle communément « la société de consommation », Pier Paolo Pasolini expliquait déjà en 1975 que « la tragédie est qu’il n’y a plus d’êtres humains, mais d’étranges machines qui se cognent les unes contre les autres. » Si ce constat de l’Italien pouvait à l’époque sembler très pessimiste, aujourd’hui elle paraît très proche de la vérité.
Rejoignons-nous pour autant le camp conservateur ? J’ai quand même deux objections de taille. La première c’est que si nous estimons que toute révolution authentique s’appuie sur un « moment conservateur », nous n’avons pas abandonné notre idéal de transformation social. Nous ne pouvons donc pas être authentiquement conservateurs. A l’image de Proudhon dans Toast à la révolution (1848), nous pensons juste que pour être révolutionnaires nous devons allier progrès et conservation.
Ce que je viens d’expliquer peut sembler terriblement catastrophiste ou trop théorique. Mais il suffit de comparer le degré de soumission aux modes vestimentaires ou musicales et aux nouvelles technologies des membres de notre génération – et je m’inclus dedans – aux générations de nos parents et de nos grands-parents. Observons ensuite les gosses nés à la fin des années 1990 et des années 2000. Ils sont pour une large partie d’entre eux incapables de vivre sans leur smartphone, sont réceptifs à toutes les modes les plus ridicules et passent leur temps devant des émissions de téléréalité qui leur pollue le cerveau. Bref, notre degré d’aliénation ne fait que s’intensifier. La conséquence est que nous sommes de plus en plus narcissiques et de moins en moins tournés vers le monde qui nous entourent et les autres. Le paraître a remplacé l’être et les individus – en généralisant un peu – désirent plus devenir riches et célèbres qu’être utiles à la société. Des valeurs comme l’entraide ou l’empathie risquent à terme de disparaître de nos sociétés. En 1997, dans L’Abîme se repeuple, Jaime Semprun écrivait : « quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? » il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « À quels enfants allons-nous laisser le monde ? » » Nous devrions plus souvent nous poser cette dernière question. Voilà pourquoi, nous devons conserver si voulons que nos sociétés restent vivables. C’était également le sens du discours prononcé par Albert Camus lors de l’attribution des prix Nobel le 10 décembre 1957 lors de son discours quand il expliquait que le rôle de sa génération est d’« empêcher que le monde se défasse ». Malgré tout, je ne suis ni pessimiste, ni fataliste, je pense qu’il n’est ni trop tard et que rien n’est irréversible.
Rejoignons-nous pour autant le camp conservateur ? J’ai quand même deux objections de taille. La première c’est que si nous estimons que toute révolution authentique s’appuie sur un « moment conservateur », nous n’avons pas abandonné notre idéal de transformation social. Nous ne pouvons donc pas être authentiquement conservateurs. A l’image de Proudhon dans Toast à la révolution (1848), nous pensons juste que pour être révolutionnaires nous devons allier progrès et conservation. Ensuite, le camp conservateur est essentiellement composé de bourgeois arrogants, qui veulent plus s’accrocher à leurs privilèges. Ils déplorent les transformations subies par nos sociétés sans jamais réfléchir aux causes profondes de tout cela. Résultat, ce sont souvent des gens qui « vénèrent le marché tout en maudissant la culture qu’il engendre » pour reprendre la formule de Russel Jacoby. C’est au final peut-être aux conservateurs de nous rejoindre plus que l’inverse.
Au fait, à qui vous adressez-vous ? A quoi ressemble le lecteur du Comptoir ?
Comme Orwell, nous avons pour objectif « de fabriquer des socialistes, et vite ». Ainsi, nous voulons nous adresser à tout le monde, à tous les camps et toutes les personnes désireuses de faire changer les choses. Nous aimerions d’abord parler aux classes populaires car ce sont elles que nous voulons défendre en priorité. La réalité n’est cependant pas aussi idyllique. Nous n’avons réalisé aucune étude sur notre lectorat. Mais je pense que la majorité de nos lecteurs sont des jeunes urbains diplômés, probablement précaires et appartenant à la gauche « radicale ». Avec le format de nos articles et de notre revue, nous sommes conscients qu’il est difficile de toucher le prolétariat. Il nous faudra donc trouver un autre moyen.
Dans votre premier numéro, vous interrogez le groupe technocritique Pièces et main d’œuvre, basé à Grenoble, et qui consacre son travail d’enquête à la lutte contre les nanotechnologies. Comment expliquez-vous le fait que les intellectuels de gauche renoncent encore à s’attaquer à la question du transhumanisme ?
Je ne sais pas si on peut dire que les intellectuels de gauche ont renoncé à s’attaquer à la question du transhumanisme. La majorité des meilleures critiques proviennent de la gauche, notamment du mouvement décroissant ou libertaire. Mais les décroissants ne sont pas les seuls, je recommande par exemple sur le sujet l’excellent article de Thierry Blin, républicain de gauche, publié dans la revue Le Débat en 2015 (« Et si on liquidait l’homme ! »). Maintenant c’est vrai que même à gauche la critique du transhumanisme se fait rare. Pourquoi ? La raison est simple : depuis le XIXe siècle la gauche, qu’elle soit libérale, républicaine ou marxiste, se conçoit comme le camp du progrès, chacun avec ses spécificités. Or, ses avocats présentent le transhumanisme comme le dernier avatar du progrès, comme le sommet de l’évolution humaine. Nous touchons là aux limites de la religion du progrès, qui voit dans chaque nouveauté une amélioration. Mais les intellectuels de gauche ne sont pas les seules victimes des illusions transhumanistes. Les délires de Luc Ferry (La révolution transhumaniste) sur la question nous le prouvent.
D’ailleurs, et j’aurais dû commencer par-là, croyez-vous encore à la Gauche ?
Le débat fait encore rage au sein de la rédaction. On peut dire que certains adhèrent à la gauche, d’autre y adhèrent par défaut et les derniers – Ludivine Bénard en tête – la rejettent comme camp bourgeois. Je vais donc parler en mon seul nom dans cette question. Pour faire très simple, si la gauche naît durant la Révolution française, ce n’est qu’en 1899 lors de l’Affaire Dreyfus, avec le Bloc des gauches, qui réunit sous une même bannière libéraux – dont le chef du gouvernement Pierre Waldeck-Rousseau – républicains radicaux et socialistes, qui forment alors l’extrême gauche parlementaire. L’objectif de cette alliance électorale est de faire barrage à la droite monarchiste et cléricale. Un siècle plus tard, cette droite a complètement disparu et le régime républicain qu’il fallait défendre n’existe plus. Il est alors tentant de déclarer la mort du clivage gauche-droite. De plus, comme l’expliquait Cornelius Castoriadis en 1986 déjà : « Il y a longtemps que le clivage gauche-droite, en France comme ailleurs, ne correspond plus ni aux grands problèmes de notre temps ni à des choix politiques radicalement opposés ». En effet, depuis maintenant au moins 35 ans, la gauche gouvernementale aujourd’hui encore hégémonique – peut-être plus pour très longtemps – a sciemment abandonné les classes populaires et s’est converti aux mêmes dogmes que la droite libérale, pour le plus grand bénéfice de la bourgeoisie. Mais cette gauche n’a pas fait que défendre le capitalisme, il a précédé toutes ses avancés économiques, sociales et culturelles. A côté, si elle ne s’est pas ralliée au libéralisme économique, le reste de la gauche n’a guère été meilleure, mettant du temps à comprendre le monde qui apparaissait sous ses yeux.
Il est donc très tentant de rejeter le clivage gauche-droite. Mais ce qui est vrai dans le ciel des idées ne l’est pas toujours dans les faits. Si le clivage gauche-droite n’est plus le centre du débat d’idée, il structure encore les imaginaires. Aujourd’hui, il existe encore des cultures politiques de gauche et de droite distinctes. La majorité des intellectuels – comme Emmanuel Todd, Frédéric Lordon ou Serge Latouche –, des médias ou militants politiques dont je me sens proche sont de gauche. Donc par défaut, je me classe à gauche. Je ne sais pas si je peux croire en la gauche, mais quand je vois la droite, je sais que je ne veux pas croire en elle.
Votre socialisme à vous, c’est quoi ?
En 1845, Pierre Leroux définit le socialisme comme « la doctrine qui ne sacrifiera aucun des termes de la formule liberté, fraternité, égalité, unité, mais qui les conciliera tous ». Nous défendons un socialisme romantique, qui entend combattre « la mécanisation, la rationalisation abstraite, la réification, la dissolution des liens communautaires et la quantification des rapports sociaux » au nom « de valeurs sociales, morales ou culturelles pré-modernes, ou pré-capitalistes » pour reprendre Michael Löwy que nous citons dans l’édito de notre premier numéro. Si notre socialisme n’est pas marxiste, nous pensons que Karl Marx reste un penseur essentiel pour comprendre la dynamique du capitalisme.
Notre socialisme possède deux caractéristiques. Nous portons une attention toute particulière à la défense de la souveraineté populaire, sans laquelle la démocratie n’est pas possible. Ensuite, à une époque où la croissance économique est l’alpha et l’oméga de la vie politique, nous nous réclamons de la décroissance. Nous seulement nous ne voyons pas en quoi produire plus d’objets inutiles et de richesses pour les élites rendra les peuples plus heureux, mais en plus nous avons conscience que notre planète ne supportera pas longtemps notre productivisme.
Notre socialisme défend une société sans classe débarrassé de toute exploitation économique, de toute domination politique ou de toute aliénation – concept développé par Marx dès 1844 mais trop souvent oublié par les socialistes. Voilà pourquoi nous menons un combat aussi bien économique, politique et culturel. Ainsi, nous ne critiquons pas le capitalisme que d’un point de vue économique, mais comme « fait social total ». Nous nous opposons ainsi au mythe du progrès, à la culture de masse et à la société de consommation.
Notre socialisme possède deux caractéristiques. Nous portons une attention toute particulière à la défense de la souveraineté populaire, sans laquelle la démocratie n’est pas possible. Ainsi, nous ne considérons pas la nation comme dépassée, mais estimons au contraire qu’elle est aujourd’hui le seul cadre possible de la démocratie. Nous nous opposons donc à la mondialisation et à l’Union européenne, qui nient toutes deux la souveraineté des peuples qui y sont soumis et surtout imposent le capitalisme le plus féroce. Ensuite, à une époque où la croissance économique est l’alpha et l’oméga de la vie politique, nous nous réclamons de la décroissance. Nous seulement nous ne voyons pas en quoi produire plus d’objets inutiles et de richesses pour les élites rendra les peuples plus heureux, mais en plus nous avons conscience que notre planète ne supportera pas longtemps notre productivisme.
Quel est votre candidat naturel ?
Le Comptoir est indépendant et ne soutient personne. Pour Simone Weil, le parti politique, qu’elle qualifiait de « petite église profane », « exerce une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres ». Le monde partisan me semble difficilement compatible avec le travail intellectuel. Le Comptoir se tient donc loin des partis. Les comptoiriens entretiennent des rapports différents à la politique. Certains ne voteront pas, soit parce qu’ils sont opposés à l’élection, qu’ils jugent antidémocratiques, soit parce qu’ils trouvent les candidats tous décevants. D’autres voteront. Ceux-là voteront probablement à gauche et pas pour un social-traître. Voilà ce que je peux dire.
Le FN, vous en pensez quoi ?
On ne l’apprécie pas plus que l’UMPS…. C’est dire si on le déteste. Loin de s’opposer au système, le FN en est avant tout l’idiot utile. C’est l’épouvantail bien commode pour faire voter pour les grands partis qui se partagent le pouvoir des décennies. « Si ce n’est pas l’UMPS, c’est la bête immonde, le fascisme, les années 1930, bref Le Pen ». Guy Debord expliquait en 1988 que notre démocratie « si parfaite » désirait « être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats » (Commentaires sur la société du spectacle). C’est exactement la même chose pour les partis de gouvernement. De plus, en divisant les classes populaires selon les origines ethniques, le FN empêche l’alliance des classes populaires – même s’il n’est pas le seul –, indispensable à la lutte contre le système.
Pour finir, bien que nous ne soyons pas naïfs et que nous ayons conscience du rôle joué par l’immigrationnisme dans le capitalisme mondialisé et du danger que représente l’islamisme, nous refusons en bloc la bouc-émissairisation des immigrés et des musulmans. On ne diabolise cependant pas les électeurs du FN. Certes, le parti de Marine Le Pen n’est toujours pas le parti des ouvriers, comme voudraient le faire croire beaucoup, mais reste un parti interclassiste, où peuvent se reconnaître des classes sociales très hétérogènes. Mais il est vrai qu’une part croissante des classes populaires est tentée par le FN. Or, comme l’explique le théorème d’Orwell, formulé par Jean-Claude Michéa, « quand l’extrême-droite progresse chez les gens ordinaires (classes moyennes incluses), c’est d’abord sur elle-même que la gauche devrait s’interroger. » Nous pensons que pour combattre le FN la condamnation morale est contre-productive, mais nous devons écouter la détresse des classes populaires et leur offrir une offre politique digne de ce nom.
Quelle place l’écologie tient-elle dans votre pensée ?
Elle est au cœur de notre ligne. Si nous ne nous revendiquons pas de « l’écologie intégrale », nous sommes proches d’une écologie qui respecte autant l’homme que son environnement. Comme Castoriadis, nous pensons que « l’écologie est subversive, car elle met en question l’imaginaire capitaliste qui domine la planète (…) [elle] montre l’impact catastrophique de la logique capitaliste sur l’environnement naturel et sur la vie des êtres humains. » Si les socialistes du XIXe, notamment les marxistes, ont ignoré les conséquences environnementales du système industriel, il est aujourd’hui impossible de ne pas voir les ravages que provoque le capitalisme. L’écologie est aujourd’hui essentielle pour renouveler la pensée socialiste. Elle doit nous pousser à repenser le rôle des limites, sans laquelle aucune vraie liberté ni émancipation ne sont possibles.
Quelles sont vos références intellectuelles, d’hier à aujourd’hui ?
Avec le beau name dropping effectué depuis le début de cet entretien, vous devez bien avoir une idée. Je citerais d’abord les pionniers du socialisme que sont Pierre Leroux, Pierre-Joseph Proudhon, Karl Marx et Piotr Kropotkine. Louise Michel, Rosa Luxemburg, Charles Péguy, Jack London, ou Georges Sorel sont également très appréciés. Nous avons dédiés de nombreux articles au révolutionnaire burkinabé Thomas Sankara, ainsi qu’à Pier Paolo Pasolini, George Orwell – notre référence principale –, Simone Weil et Guy Debord. Nous pouvons également ajouter Castoriadis, Michel Clouscard, Serge Latouche, Jaime Semprun, Jean-Claude Michéa, Christopher Lasch ou les pères de l’écologie politique que sont Ivan Illich et Jacques Ellul. Le livre Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques publié par L’Echappée en 2013 est presque une Bible pour nous, puisqu’il regroupe bon nombre de nos références – dont certaines que je vous ai mentionné – et définit dans l’excellente introduction rédigée par Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini une ligne politique très similaire à la nôtre. En dehors du socialisme, nous avons aussi un vrai faible pour Philippe Muray, qui portait un regard sur notre époque à la fois novateur et réaliste, ainsi que cet écrivain incassable et épris de liberté qu’est Georges Bernanos.
Sinon des médias comme La Décroissance, Fakir, Le Monde diplomatique ou Basta sont également de vraies références pour nous. De même pour La revue du Mauss.
Qui sont les plumes du Comptoir ? D’où parlent-t-elles ?
La rédaction du Comptoir est très diverses. Elle regroupe des journalistes, des enseignants, des thésards ou docteurs dans des domaines aussi large que l’économie, la science politique et la géopolitique et nous comptons même des autodidactes. Nous sommes globalement jeunes, urbains – mais pas forcément depuis toujours – et diplômés. Certains sont issus des classes populaires, d’autres non. La plupart viennent de la gauche radicale. Certains sont très républicains, d’autres plus libertaires. Pour ma part, je ne suis qu’un jeune précaire originaire des banlieues populaires.
Et sinon, où c’est qu’on vous achète ?
Vous pouvez nous commander sur notre site ou nous acheter en librairie aux 4 coins de la France (Paris, Rennes, Lyon, Caen, Saint-Etienne, Dijon, Nantes, Strasbourg, La Rochelle, Bordeaux etc.), à Genève et à Bruxelles. Toutes les infos sont sur notre site internet !
Je suis, moi aussi, en attente de changement.
je suis venu pour vous apporter le fruit de mes recherches dans le domaine du changement. J’ai essayé de monter ce qui s’oppose au véritable changement que j’ai appelé transformation par opposition à évolution.
Si j’ai souhaité développer auprès de vous ce point, c’est qu’il me semble que notre société a une telle influence sur l’individu et qu’il n’en a pas conscience (autrement, il ne pourrait y vivre), qu’il est nécessaire qu’il se départisse d’un certain nombre d’habitude que celle-ci a généré en lui.
De plus, nous avons une faculté d’adaptation si importante que ce qui, au départ, n’est pas acceptable, le devient et nous acceptons de changer notre personnalité. Le syndrome de Stockholm en est la preuve, s’il en fallait une.
Ainsi, l’optimisme que crée les idées nouvelles et la perspective de solutions qui iraient dans le sens que vous indiquez me semblent quelque peu entravés par la perte de leur propre personnalité de beaucoup de nos contemporains si ce n’est la plupart. J’entends par perte de personnalité, le fait qu’ils se soient accoutumé au principe que l’on ne transforme pas la société mais qu’on ne peut que la faire évoluer.
L’évolution est acceptée de tous car elle ne demande aucun effort et ne génère aucune souffrance due au phénomène de perte (une chose est abandonnée volontairement parce qu’elle est remplacée par une autre, meilleure).
Par contre, lorsqu’il s’agit de transformer, la condition nécessaire à l’apparition de ce qui est meilleur est la perte préalable de ce qui existait jusque là. Nous rencontrons alors une grande résistance au changement.
Remarquons que pour supporter un mode de vie qui n’est pas celui qui nous convient, nous compensons, c’est à dire que nous accordons une importance parfois exagérée à ce qui est plaisant et nous donnons des raisons d’accepter ce qui ne l’est pas (par exemple : le patriotisme en temps de guerre).
Ainsi, de nombreuses adaptations peuvent être acceptées par l’individu avant d’en venir à vouloir le changement. Ces adaptations nous modifient et nous perdons la connaissance de ce que nous sommes en réalité et de ce que nous voulons.
Si l’on souhaite agir pour changer notre société, il sera nécessaire, au préalable, de percevoir ce qu’aurait pu être notre vie dans une société profondément humaine.
Pour envisager une autre société, il nous faut au préalable dresser la liste des éléments qui la pervertissent. Vous l’avez bien exprimé et je n’y reviendrai pas.
Mais nous, qui sommes conscient des ravages que vous indiquez, nous avons à entraîner les autres à se départir d’un mode de vie fondé sur :
la compétition,
la manipulation,
la hiérarchie et l’autorité,
l’admiration, la fascination,
le luxe, les désirs inutiles,
le stress, l’urgence, la perte de temps.
C’est de cette manière qu’ils parviendront à se libérer, comme vous le dites, de l’assujettissement à « l’exploitation économique, de toute domination politique ou de toute aliénation ». Mais ces objectifs ne s’atteignent pas facilement.
Souvent, le désir de les réaliser rapidement conduit à s’astreindre (à agir en conséquence). Or cette manière de procéder fait intervenir la volonté et la raison et les changements ne sont pas naturels, ne s’étendent pas à l’ensemble de la personnalité et ne sont pas durables. Le seul moyen d’y parvenir consiste en un travail sur soi (dont le point de départ est s’observer le plus sincèrement possible).
Aussi, j’affiche un grand pessimisme en observant autour de moi le nombre de personnes pour qui ce travail me paraît impensable, soit parce qu’elles sont tellement dépendantes de la société de consommation qu’elles n’ont plus les ressources pour s’en extraire, soit qu’elles n’ont pas développé suffisamment leur esprit critique pour être consciente de l’évolution de notre monde.
Mais, si nous leur montrons que leur mode de vie les dessert, cela pourrait bien, à la longue, les faire réfléchir et désirer changer. La grande difficulté, cependant, est la communication. Un blog comme le votre, n’est probablement lu que par des personnes ayant une certaine culture et étant déjà impliqué dans une pensée réformatrice.
Qu’importe, je vous propose les fruits de ma réflexion sur ces six sujets.
Compétition :
Dans notre environnement social, la compétition apparaît comme un stimulant de l’activité ; elle est décrite comme motivant les individus. Mais à y regarder de près, cette motivation s’appuie sur de la rivalité. Et, même si l’individu s’en défend, son but inconscient est l’élimination des autres compétiteurs. La compétition renforce les différences, amplifie l’exclusion, crée des classes ; elle est à l’opposé de l’action humanitaire. Lorsqu’elle envahie le psychisme, celui-ci en devient entièrement dépendant et l’individu vit constamment dans la lutte, l’affrontement. Cet état d’esprit est propice à des actes irrespectueux car l’unique but est le réussite au mépris des autres.
L’encouragement à être « battant » s’est fortement développé. Les rencontres sportives sont de plus en plus nombreuses et suivies, y compris par les femmes qui, jadis, ne s’y intéressaient pas. Ces dernières veulent, souvent par féminisme – même si elles prétendent le contraire – ne pas être en reste par rapport aux hommes. On pourra prétendre que la paix relative entre les nations ne laisse que ce moyen aux hommes pour exprimer leur agressivité et que celle-ci fait partie de sa nature. Certes, mais l’agressivité n’est pas nécessairement de nature guerrière. Bien vécue, elle est source de création et n’est pas nuisible aux autres.
La compétition est à l’origine du chômage.
A titre d’exemple, je vais tenter de mettre en évidence le contenu inconscient du spectateur d’un match. Une rencontre sportive entre deux équipes est l’occasion d’une prise de position où le choix est binaire : on prend partie pour l’une ou l’autre des équipes. Alors que dans la vie, les choix nécessitent généralement de tenir compte d’une multitude d’informations, ici, le choix est simple. L’individu est ramené à un niveau de réflexion basique. La compétition n’a pas pour objectif de faire réfléchir.
Notons également le pouvoir social de ce genre d’activité : les individus se sentent en communion. Ils ont l’impression, même si c’est illusoire, de se sentir en accord avec les autres, y compris -inconsciemment- ceux de l’autre camps car ils assistent au même match.
Dans ces circonstances, ils croient faire le plein de lien social, et, les états l’ont bien compris, leur engagement dans des actions politiques réactives se font moins sentir.
Et, lorsque nous analysons ce sentiment de lien social, nous sommes atterrés par sa médiocrité. Nous n’y trouvons qu’abrutissement des foules car l’objet est puéril et les attentes sans intérêt.
Le match est un jeu et donc distrait des réalités de la vie. Aujourd’hui, avec la notion de fête qui s’y est adjointe, le mode d’expression du supporter et de l’amateur a évolué et, encouragé par les médias et les instances financières, il a acquis une valeur symbolique qui semble interdire toute critique. Car critiquer, c’est être opposé à ce qui fait ce semblant de lien social. Mais cette perception est fausse car crée de toutes pièces pour des raisons politiques et financières. De plus, comme dans toutes les manifestation publiques, la violence s’est invitée. La passion y est pour quelque chose. La surenchère s’installe comme elle a pris l’habitude de le faire dans notre société, et plus particulièrement chez les jeunes – alcool, prise de risque – parce que défi représente une manière de lutter, pour certains, contre le sentiment de médiocrité, plus ou moins conscient, qui s’est infiltré à cause de l’augmentation des sources de communication et d’information.
Manipulation :
La manipulation est souvent perçue comme une occasion de mesurer son intelligence. La détecter et donc la déjouer est gage de valeur et l’on considère généralement qu’elle permet de sortir de l’état de naïveté. Croire cela revient à admettre celui qui en use le fait pour le bien d’autrui alors qu’en réalité, il n’y recherche que son profit. Cette croyance vient d’une certaine catégorie d’individus, sans doute moins scrupuleux que les autres qui estiment que l’homme n’a pas vocation à être vertueux. Dans ce cas, l’esprit de domination ferait, selon eux, partie de sa nature. Mais, comme l’a si bien démontré Jean-jacques ROUSSEAU, l’homme naturel (le primitif), ne connaît pas le vice et c’est seulement sa vie sociale inégalitaire qui l’entraîne à modifier son comportement.
Avec la manipulation, la confiance est remplacée par la méfiance. Toute parole, tout écrit doivent être vérifiés. Tout ce qui recherche notre approbation et tout ce qui tente de nous séduire est source de manipulation. Certains actes manipulatoires sont connus. La publicité et la politique en sont deux exemples. Mais la vanité et l’orgueil nous empêchent de considérer que nous en sommes les jouets. L’emprise du monde économique sur les partis politiques ne laisse aucun doute sur l’évolution de notre société. Malgré cela, nombreux sont ceux qui espèrent encore et se laissent séduire par les discours prometteurs.
Se détacher de la manipulation passe d’abord par reconnaître que nous sommes influençables. Bien qu’il puisse être utile de s’extraire des sources de manipulation telles que la publicité, il ne s’agit là que d’un acte de volonté et non d’une transformation de notre perception. Savoir observer la manipulation agir sur nous sans nous en défendre est le seul moyen efficace de l’évacuer. Autrement, c’est la lutte perpétuelle par la raison, ce qui nous maintient encore sous son emprise.
Autorité et la hiérarchie :
L’autorité et la hiérarchie sont au service de l’esclavage. Le mot n’est pas trop fort : aujourd’hui, l’esclavage est devenu moral. Il façonne la personnalité en y injectant une multitude de sentiments d’infériorité auxquels s’ajoutent les menaces. L’autorité méprise l’individu car elle n’attache d’importance qu’à ce qui motive l’intérêt de ses protagonistes. L’autorité est un raccourci pour obtenir ce qui est désiré. Elle est violence. Les règlements sont ses arguments pour imposer. L’autorité stipule que l’individu a une nature anarchiste ce qu’elle craint car les projets qu’elle soutient peuvent donc s’effondrer à la moindre contrariété. L’inspiration, elle aussi de nature anarchiste compromet les projets organisés.
La société s’est ordonnée afin de contenir les individus dans un carcan en les habituant à obéir et à se discipliner. Ainsi bridé, la spontanéité est réduite à ce qui est autorisé. Contrôle et censure sont ses armes. La liberté est combattue car perçue comme source d’abus.
Il n’est pas facile d’y échapper. Depuis la plus tendre enfance, l’éducation parentale et scolaire contribuent à préparer l’individu à accepter le principe de l’autorité et de la hiérarchie. Le monde du travail est organisé en ce sens.
La majorité des individus l’accepte par crainte de ne pas pouvoir survivre dans un monde libre où il faut se débrouiller seul et également pour se sentir socialement intégrés.
Concevoir une existence sans subir l’autorité est possible, mais, comme nous sommes sous son emprise depuis notre enfance, cela devient un combat de chaque jour afin d’en éliminer les effets de notre conscience.
L’autorité, en nous, se présente sous la forme des obligations que nous ressentons sans que quiconque nous les ordonne. C’est la forme la moins objective et donc la plus compliquée à combattre. Elle nous vient de notre éducation.
Sa résolution est de l’ordre de l’introspection.
Admiration :
L’admiration dont l’exagération conduit à la fascination est source de dépendance.
Elle place l’individu dans un rapport hiérarchique dont il est rarement conscient. Cette attitude diminue les potentialités car elle considère que la place est prise. Le charisme est une attitude qui favorise l’admiration et participe de l’acceptation des idées proposées.
Dans les relations amoureuse, la fascination est synonyme de tromperie : les qualités de l’individu sont associées à l’apparence.
L’admiration place la personne sur un piédestal. On ne considère que la valeur de ce qui le fait « admirable » souvent parce que les média en tire profit.
Une caractéristique de la personne admirable est que celui qui conteste sa valeur doit souvent se taire pour ne pas être mis à l’index à moins qu’il ne se regroupe avec d’autres.
Luxe :
Le luxe est synonyme de réussite sociale. C’est sa seule raison d’exister. L’esthétique et les performance sont souvent mis en avant pour le justifier, mais nous sommes dans le domaine de l’exagération. Le luxe est une référence sociale pour ceux qui ont besoin reconnaissance.
Son inutilité est fragrante mais masquée par ceux qui estiment qu’il est pourvoyeur d’emploi.
En terme d’inutilité ceux qui en font usage s’en remettent à l’art ou la musique dont on pourrait aussi se passer. Pourtant, la musique et l’art sont des expressions humaines synonyme de culture, ce qui n’est pas le cas du luxe.
Stress :
Prendre le temps est ressentie comme une perte de temps. Notre société n’accepte pas que les choses se fasse tranquillement, à leur rythme. Les individus sont conditionnés à s’habituer aux changements. L’informatique (au sens large – applications, ordinateurs, automatisme, robotique, … -) est à l’origine de cet empressement. De nouveaux outils apparaissent tous les jours et ont pour enjeux la compétence. Professionnellement, c’est une des sources de compétition. Individuellement, et notamment pour les jeunes, ne pas suivre ses progrès, c’est, pour les plus faibles, prendre le risque de se sentir exclus.
Pourtant, cette accélération du temps imposée par l’informatique, génère du stress et le sentiment de paresse dès que l’on veut ralentir le rythme (car il y a tant de choses à faire).
Il s’en suit des moments où l’on essaye d’évacuer ce stress, souvent de manière explosive (les jeunes, par exemple, lors de soirées, boivent exagérément ou cherchent un exutoire dans les drogues).
Or, lorsque l’on se place dans contexte de sérénité, en imaginant que le temps nous est donné, qu’au contraire, il nous permet de faire chaque chose tranquillement, que rien ne nous est demandé et que ce que l’on fait vient exclusivement de nos facultés, nous pouvons prendre conscience que dans l’attitude inverse, nous perdons notre temps car nous l’utilisons à des choses qui ne nous correspondent pas.
Nous pouvons penser que nos prenons notre temps lorsque nous écoutons de la musique par exemple, ou si nous lisons. Mais ces moments sont seulement de la détente alors qu’il convient de ressentir ce bien-être en permanence.
A partir de ces transformations individuelles, nous allons pouvoir rechercher l’orientation que nous souhaitons pour que notre société soit plus humaniste, l’idéal étant que chacun opère lui-même ces changements. Mais ne nous leurrons pas, seule un petite minorité en est capable (de trop fortes résistances endigue la volonté). Ce n’est donc pas de la sorte qu’il faut présenter l’objectif de transformation. Ce qui entraîne les foules, ce sont les objectif de nature idéaliste dès lors que l’enjeu est important et transcende l’individu.
Montrer que le monde va à sa perte n’a que peu d’influence car l’effet n’est pas immédiat et qu’il n’est pas suffisant pour vaincre les résistances.
Aujourd’hui, des faits montrent aux individus que la voie qu’ils suivent actuellement les entraîne vers des drames écologiques et humanitaires. Mais déjà, certains minimisent les conséquences où trouvent des solutions de remplacement. Sur la question du chômage, par exemple, concernant les machines qui remplacent les hommes, ils évoquent une mutation du travail, les entreprises fonctionnant avec de moins en moins de personnel, les individus se reconvertiraient dans des emplois individuels (dans le coaching notamment).
Aussi, le changement vers un monde vraiment humain ne pourra être désiré que s’il n’y a pas d’autre alternative. C’est à ce moment que chacun sera bien obligé, s’il veut survivre, d’appliquer pour lui-même, les changement que j’ai indiqué plus haut.
Je suis en train de constituer un blog où j’évoque d’autres sujets et ne manquerai pas de vous en donner le lien, lorsqu’il sera opération.
Merci pour votre site fort intéressant.
Dominique JOUSSE.
Ces jeunes gens sont très sympathiques, mais semblent encore incapables de sortir de la religion du Progrès. Petite explication : la Liberté est l’idéal du libéralisme, l’Egalité est l’idéal du marxisme, la Fraternité est l’idéal du fascisme (si si, c’est une fraternité virile et entre personnes homogènes). Nous restons donc enfermés avec ce tryptique dans le cercle révolutionnaire du progrès, qui ne nous conduit pas en spirale vers Dieu, contrairement à ce que croyait T. de Chardin, mais très précisément en enfer.