Tout commence par une surprenante observation. Le téléscope spatial Kepler, spécialisé dans la chasse aux exoplanètes, a détecté de colossales éclipses devant l’étoile KIC 8462852. La luminosité de cette étoile baisse en effet de près de 22%, alors que lorsque une exoplanète passe devant un astre lumineux, les variations ne dépassent pas 1%.

Les médias se sont tout de suite emballés suite aux propos de quelques astronomes qui imaginent que ces anomalies ne seraient pas naturelles mais… artificielles. Quelques savants envisagent l’hypothèse d’une “sphère de Dyson”, autrement dit une centrale énergétique consistant en un globe enserrant totalement une étoile.

L’hypothèse des sphères de Dyson n’est pas nouvelle. En 1960, le physicien Freeman Dyson a imaginé qu’une civilisation extrêmement avancée aurait forcément des besoins énergétiques immenses et donc il lui faudrait une centrale d’énergie renouvelable de taille astronomique… au sens propre du terme. Suivant ce raisonnement, certains astrophysiciens ont émis l’hypothèse que des civilisations extraterrestres plus évoluées que nous auraient recours à ce système, et donc que nous pourrions détecter des sphères de Dyson grâce à des anomalies de luminosité de ces étoiles.

Le buzz provoqué ces derniers jours est donc la conséquence de ce raisonnement remontant aux années 1960. Mais ce raisonnement pose problème. D’abord, d’autres hypothèses plus naturelles semblent l’emporter sur l’hypothèse Dyson. Mais je ne reviendrai pas dessus, n’ayant pas assez de compétences en astrophysique, je préfère vous renvoyer à Ciel et espace.

Là où ce raisonnement pose problème est qu’il repose sur un postulat erroné : celui d’une croissance de la production et de la consommation sans aucune limite.

Une sphère de Dyson est une construction gigantesque nécessitant une quantité astronomique de matière première. Les minerais d’une seule planète n’y suffiraient pas, surtout si cette planète a déjà été fortement exploitée par cette civilisation prétendument très avancée aux besoins énergétiques gigantesques. Il faudrait alors consommer les matières premières d’autres astres, autrement dit les consumer car je doute qu’il en reste encore quelque chose. Mais pour extraire ces matériaux et construire la sphère, il faut aussi dépenser une énergie inimaginable… et produire cette énergie. Donc, il faut encore et encore consommer des ressources… Et évidemment saccager l’environnement naturel pour pomper ces matériaux. Le stade final de la sphère de Dyson étant que le système stellaire est lui-même dénaturé par cette gigastructure.

Un tel scénario ne serait possible que si les ressources en matière première et en énergie étaient illimitées. Autrement dit, la croissance de la production et de la consommation  pourraient être sans limites si les ressources étaient sans limites.

Or, il n’en est rien car les ressources naturelles sont limitées.

Une civilisation technologiquement avancée qui poursuit une croissance de la production et de la consommation sans aucune limite ira droit à sa perte. Elle n’aura même pas le temps d’envisager la construction d’une sphère de Dyson pour satisfaire ses insatiables besoins énergétiques. Il faut prendre très au sérieux l’hypothèse de l’effondrement futur de notre civilisation suite à l’épuisement des ressources car il sera inévitable si nous continuons de vivre sous le dogme de la toute puissante croissance.

Mais surtout, pourquoi imaginer que la démesure et l’hyperconsommation soient les signes de l’avancement d’une civilisation ? Le bon sens imaginerait plutôt qu’une société réellement en avance soit celle où les hommes font preuve de sobriété et de respect pour l’environnement naturel. A n’en pas douter, elle gérerait mieux ses ressources naturelles que nous.

Le récent buzz autour de l’étoile KIC 8462852 doit nous interpeller : une telle rumeur propagée par des scientifiques n’est que le reflet d’une idéologie de la croissance sans frein. Au même titre que le transhumanisme qui veut augmenter l’homme et de la géo-ingénierie qui veut transformer la Terre et d’autres planètes, nous sommes là devant une croyance quasi-religieuse en une technique qui transforme l’homme en un nouveau Dieu. Cette mentalité existe et elle est présente dans notre culture. Il est grand temps de la remplacer par une autre culture prenant en compte nos limites.

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