Au début du XXe siècle, le public de la radio a cru en la possibilité d’un média non lucratif. Un rêve rapidement écarté par les capitalistes, qui, à chaque nouvelle révolution médiatique, ont renforcé leur emprise commerciale. C’est une mécanique implacable que décrypte Robert W. McChesney, professeur à l’université de l’illinois dans son œuvre Les géants des médias, une menace pour la démocratie.

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De l’investissement à l’agression : l’internaute sous pression

À ses débuts, la toile est plutôt épargnée par la publicité. Durant ses dix premières années de vie, le réseau est encore l’apanage de quelques passionnés. Ils représentent 0,1 % des Français en 1990 et 8,9 % en 1999, juste avant l’explosion de la bulle internet en 2000 et la connexion de 368 millions d’ordinateurs dans le monde. La sobriété publicitaire des débuts s’explique par l’attente de voir internet devenir un média commercial rentable. Les investisseurs sont frileux, à l’heure où les grands groupes se trompent dans leurs projections sur la vitesse d’expansion d’internet. En 1995, Robert Murdoch dans un entretien avec le Financial Times estime qu’internet ne s’implantera massivement qu’autour de 2010-2015 aux États-Unis et au milieu du XXIe siècle pour le reste du monde. Bill Gates lui-même, dans un entretien à Fortune en 1996, explique qu’internet ne deviendra un média de masse que très lentement. Bien au contraire, la barre des 60 % d’internautes a été franchie aux États-Unis en 2003 et en 2007 pour la France.

Malgré un démarrage poussif, la commercialisation d’internet s’est accomplie sans résistance. Après avoir dépassé les parts de marché de la télévision en 2016, le chiffre d’affaires publicitaire sur internet passe de 3,4 milliards d’euros en 2016 à 4,9 milliards en 2018 en France, soit une croissance de 42 %. Certes, la mainmise des publicitaires sur internet n’est pas encore totale. Le réseau informatique offre des espaces de liberté et de débat et contient de nombreuses initiatives contraires au principe mercantile comme l’opensource. Mais ce sont bien les grands groupes qui possèdent les sites les plus fréquentés et la majorité du contenu proposé, comme ceux des youtubeurs. Ainsi, une société comme webedia possède des plateformes aussi diverses que les chaînes des youtubeurs Squeezie, Cyprien ou Mc Fly et Carlito et que les sites Allociné et jeuxvideo. com. Si les investissements et les bénéfices continuent d’augmenter de manière exponentielle, c’est aussi parce que les annonceurs et les diffuseurs de publicités mènent une politique publicitaire agressive. Les internautes qui n’ont pas installé un bloqueur de pub sont noyés sous la réclame. Selon la rAP (résistance contre l’agression publicitaire), ces consommateurs-là sont exposés à 1600 pubs par jour.

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