Comment une structure aussi hiérarchique, pyramidale, verticale, opaque, bureaucratique, autoritaire et antidémocratique que l’Education Nationale pourrait-elle prétendre produire la liberté et l’égalité en formant des citoyens démocratiques ?

Par sa pratique hiérarchique et bureaucratique, l’instruction publique ne forme concrètement pas des citoyens démocratiques, mais des sujets étatiques. En effet, par son fonctionnement pyramidal et unilatéral, l’Education Nationale ne promeut concrètement pas, tant parmi le personnel éducatif que parmi les élèves et leurs familles, le modèle officiel de l’individu libre et éclairé, mais celui du fonctionnaire d’Etat, non pas l’exercice de la décision démocratique, mais celui de la soumission  à l’autorité transcendante de l’Etat.

Là encore, « ce sont les relations d’assujettissement effectives qui fabriquent des sujets. »[1] On comprend donc que l’éducation est un enjeu prioritaire de la fabrication du sujet – et donc qu’une émancipation des individus de la tutelle perpétuelle de l’Etat ne peut en aucun cas passer par une institution étatique : la formation de personnes libres ne peut passer que par une éducation libre – et avant tout libérée de l’Etat.

Seule une école publique libre peut former des citoyens libres. Seule une école démocratique et autonome, sur des bases associatives et confédératives, peut former à la démocratie et à l’autonomie.

Le développement de l’enseignement privé – dit abusivement libre alors qu’il n’est accessible qu’à certaines catégories de la population, et qu’il est soumis directement ou indirectement à la tutelle de l’Etat selon qu’il soit ou non sous contrat avec ce dernier – est à cet égard symptomatique. Malheureusement, sauf rares exceptions d’écoles alternatives, et malgré le sentiment de proximité et la plus forte interaction avec les familles, la plus forte participation des parents d’élèves, cet enseignement ne fait généralement que reproduire à petite échelle un fonctionnement hiérarchique doublé d’une mentalité paternaliste – serait-ce un « paternalisme de proximité ».Afficher l'image d'origine

Seul un exode significatif si ce n’est massif non seulement des élèves mais avant tout des éducateurs vers un enseignement public libre – autonome, associatif et fédératif – pourrait amorcer une véritable (r)évolution démocratique de l’éducation. Pour le moment, on n’en voit guère que de timides quoique courageux essais dans les quelques créations d’écoles communales libres en dehors de tout contrat avec l’Etat.

Les professeurs comme les parents peuvent pleurer sur la réduction à presque rien des derniers lambeaux de liberté pédagogique, dans tous les cas, un corps de fonctionnaires d’Etat ne peut en aucun cas être un modèle d’éducation à la liberté, à la démocratie, à l’autonomie. Une éducation étatique ne peut être une éducation démocratique. La démocratie, pouvoir de décision populaire, ne peut se fonder que sur l’autonomie de la délibération populaire. Une éducation libre ne peut être fondée que sur l’autonomie scolaire.

NB : « Ecole » a ici le sens large d’institution éducative, qu’il s’agisse de l’école, du collège, du lycée ou de l’université.

[1] Michel Foucault, « Il faut défendre la société », Cours au Collège de France, séance du 21 janvier 1976.

Les derniers articles par Falk Van Gaver (tout voir)