Nos amis du Foyer Marie Jean ont mis la conversion écologique au cœur de leur engagement. Basée en Ardèche, près de Saint Julien Vocance, cette petite communauté de vie consacrée réunit des frères et des sœurs qui vivent ensemble leur foi sous la conduite d’une mère spirituelle. Nous publions des extraits du texte partagé lors de la dernière session d’écologie intégrale du Foyer (troisième partie). A suivre !

Deuxième leçon de notre expérience : vive la souplesse !

Consentir à des remises en question de nos choix et de nos priorités, en ayant la souplesse d’opérer des réajustements, s’avère nécessaire. En voici quelques exemples :

  • Jusqu’en 2007, nous avions sans état d’âme une alimentation très carnée (protéines animales midi et soir le plus souvent) ; prenant conscience que la production de la viande est responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre et que l’élevage intensif ne respecte pas le bien-être des animaux, nous avons dans un premier temps remplacé la viande par du poisson. Mais devant la tragédie de la surpêche et la disparition possible des poissons, nous avons choisi, en 2011, de supprimer complètement la consommation de poisson. Nous avons alors décidé, dans un désir de plus grande sobriété, de ne manger de la viande qu’une à deux fois par semaine, et d’introduire de manière régulière des protéines d’origine végétale dans nos menus. La viande est maintenant achetée à des producteurs locaux, qui ne pratiquent pas l’élevage industriel…

Tous les frères et sœurs ne purent suivre intégralement notre nouveau régime alimentaire. Ce fut encore occasion de dialogue et de discernement. L’écologie devant considérer le bien de l’ensemble et de chacun, les exceptions subsistent. Par exemple à ceux qui ne peuvent digérer les œufs, une part de poisson apporte de temps en temps les protéines nécessaires.

  • Abordons aussi la difficile question du chauffage: comme vous l’avez sans doute compris, notre prise de conscience et notre « tournant » écologique ont eu lieu alors que nous avions pratiquement achevé la reconstruction et l’aménagement de nos maisons. Nous avons à l’époque installé un chauffage central au fioul, et l’isolation thermique n’a pas été réalisée partout avec la même rigueur – souvent, il est vrai, pour de légitimes raisons esthétiques…

Nous avons cependant à cœur de poursuivre notre « transition énergétique » : d’une part, en améliorant l’isolation thermique des pièces que nous réaménageons ; d’autre part, en espérant trouver un mode de chauffage qui fasse moins appel aux énergies fossiles, comme la géothermie. Une telle transformation serait évidemment un gros chantier, demandant un investissement financier conséquent. Nous avons réalisé un important travail d’étude, et envisagions de pouvoir passer à la réalisation… mais l’Esprit Saint nous en a empêchés !!

En effet, nos sœurs Samara et Rahima travaillent en EHPAD, et en 2018, nous avons accueilli ici par deux fois un groupe de personnes âgées, pour une journée festive de rencontre et de prière. Quel émerveillement réciproque ! Nous avons alors davantage mesuré l’importance pour elles d’être accueillies et aimées gratuitement, de recevoir des paroles d’espérance sur la vie éternelle et sur la fécondité possible de la fin de la vie. Nous souhaitons renouveler ces invitations, mais décidément, notre maison n’est pas encore adaptée à l’accueil de personnes à mobilité précaire ! Bien sûr, la loi nous imposait déjà de faire certains aménagements, mais le moment n’était-il pas venu de revoir non seulement l’aménagement de la cour, mais aussi l’accès aux étages de certains bâtiments ? N’était-il pas souhaitable d’installer un ascenseur ?

Nous devions donc choisir : changer notre mode de chauffage ou aménager la maison pour accueillir beaucoup mieux des personnes à mobilité réduite ? Pour le bien des personnes accueillies dans cette maison, nous avons donc décidé de reporter le projet de chauffage par géothermie ; nous ferons dès cette année installer un ascenseur pour accéder au premier étage de ce bâtiment et réaménager la cour (les travaux ont débuté).

  • Le jardin aussi nous bouscule. Conduits par la Providence à habiter la vallée de la Cance, à aimer cette nature classée « espace naturel sensible », nous avons d’abord appris à entretenir le jardin de la manière la plus respectueuse possible. Nous avons banni insecticides, désherbants, engrais chimiques. Depuis quelques années, l’herbe autour de la maison n’est tondue qu’entre 1 et 4 fois par an, et l’on observe une plus grande variété de fleurs, pour la plus grande joie des insectes, nos abeilles butinent avec ardeur toutes sortes de petites fleurs ; par ailleurs, restreindre la tonte épargne des bruits de moteur, et économise aussi de l’essence…

Interpellés par notre ami Pierre Rabhi sur la nécessaire cohérence entre la réflexion et la pratique, nous avons fait le pas de commencer un potager. Celui-ci est cultivé selon les pratiques agro écologiques apprises lors de stages (en 2011 et 2012) à Terre et Humanisme. Ce petit potager ne suffit pas bien sûr à nourrir la communauté, mais il nous permet d’expérimenter combien les lois naturelles sont pertinentes, remarquablement ordonnées à la vie. Il nous offre aussi pouvoir prendre soin d’une parcelle de terre, de goûter la bonté des légumes et nous émerveiller devant la beauté du vivant !

Pourtant, quand en 2016 l’Église a reconnu nos nouvelles Constitutions, et nous a incités à approfondir la connaissance de notre charisme et la théologie de la vie consacrée, pour donner la priorité à ce temps de formation, nous avons mis en jachère le potager, faute de disponibilité suffisante. Jusqu’à cette année encore, la question demeurait  : avons-nous réellement le temps de reprendre le travail au potager ? Au terme d’une réflexion avec tous les frères et sœurs, nous décidons de le faire, mais en simplifiant la conduite du potager : nous réduirons un peu la variété des légumes, et nous n’y affecterons qu’une petite équipe de trois sœurs et frère compétents. Nous réfléchissons par ailleurs à un éventuel passage à la permaculture.

  • Dernier exemple de souplesse requise : du yoga au défrichage! Une bienfaisante séance d’activité physique nous dispose à entrer le dimanche après-midi dans notre temps hebdomadaire de désert. Mouvements, assouplissements, quelques exercices pour le système cardio-vasculaire (la quadrupédie vaut un temps de natation dixit medicus noster), mais aussi équilibres, et postures de yoga, en contemplation devant le paysage … Soyons honnêtes, ce temps d’exercice, pouvait se mâtiner d’un peu d’individualisme et d’un rapport à la nature assez abstrait ! Notre présidente et notre mère spirituelle nous ont invités à son renouvellement : nous le consacrons désormais à l’entretien des prés autour de la maison : la connaissance de la nature et une relation concrète avec elle ne sont-elles pas plus écologiques que le sport ? Ce que d’aucuns nommeraient jardinage est un beau moment de détente et de récréation communautaire, et une occasion privilégiée de relation à la Création, au Créateur, à soi-même, aux frères et sœurs qui partagent cet exercice avec nous … En somme, une activité particulièrement saine et bénéfique pour nos organismes, puisqu’elle renforce tout notre système relationnel !