Entretien avec Gaultier Bès, directeur adjoint de la revue Limite.

Extrait des propos recueillis par Alexandre Devecchio @AlexDevecchio pour le Figaro Vox le 18/09/15.

Votre nouvelle revue Limite se revendique de «l’écologie intégrale». Que recouvrent ces deux notions?

Je dirais très simplement pour commencer que l’écologie, c’est l’amour de la vie! Et que l’écologie intégrale, c’est l’écologie bien comprise, c’est-à-dire une manière d’appréhender l’écologie qui ne néglige, n’oublie, n’exclut aucune de ses dimensions fondatrices. C’est l’écrivain-voyageur Falk van Gaver, contributeur et conseiller de la rédaction de Limite, qui a employé le premier cette expression il y a une dizaine d’années. L’écologie intégrale commence par l’émerveillement devant une beauté qui nous dépasse, et se poursuit en une lutte acharnée contre tout ce qui la défigure!

Étymologiquement, l’écologie, c’est la pensée, le discours sur la maison, le foyer ; tandis que l’économie en est la gestion, l’administration. Le mot a été forgé en 1866 par le biologiste allemand Ernst Haeckel qui l’a définie comme la science des interactions et des conditions d’existence. Toute écologie se doit par conséquent d’intégrer toutes les réalités naturelles, sans exclusive ni hiérarchie. Elle postule l’unité, la solidarité, du vivant. Comme l’explique le biologiste Jean-Marie Pelt, la nature est un magnifique et très dense réseau d’interdépendances. Depuis les grandes révolutions industrielles, la vie humaine a beau s’être beaucoup artificialisée, l’humanité a toujours un besoin vital d’une terre vivante, d’une eau et d’un air purs. La destruction des abeilles par les pesticides, la destruction des sols par l’agriculture intensive, la pollution des océans, l’accélération des changements climatiques, pour nous autres humains, c’est du suicide!

Mais l’écologie n’est pas seulement une question environnementale, technique, scientifique, de fonte des glaces, de désertification, d’extinctions d’espèces animales, ou d’énergies renouvelables… C’est aussi, inséparablement, une question sociale, morale, économique, politique, philosophique.

Question sociale, d’abord, parce que les pauvres sont à la fois les premières victimes des catastrophes écologiques et, bien souvent, les plus inventifs praticiens de la sobriété heureuse, comme le montre l’universitaire barcelonais Joan Martinez Alier dans L’Ecologisme des pauvres. Question morale, ensuite, parce que c’est de notre orgueil, de notre démesure, que viennent ces déséquilibres, et que la nécessaire conversion écologique se fera, non par des lois ou des taxes, mais par des actes et des choix faits librement, en conscience. Question économique, évidemment: nous pensons qu’il faut opposer à une globalisation industrielle et financière fondée sur le culte de la croissance à tout prix une relocalisation de notre système de production et de consommation qui soit économe, respectueuse des ressources humaines et naturelles. Question politique, aussi, parce que la réponse à des drames comme celui des réfugiés climatiques ne peut être que collective, concertée. Question philosophique, enfin, parce que face aux grandes mutations environnementales et bioéthiques (eugénisme, transhumanisme, néo-malthusianisme, etc.), nous devons renoncer à certaines idoles tenaces, à commencer par la superstition d’un Progrès linéaire, et penser à nouveaux frais la question de notre place dans la nature.

Vaste programme, dirait l’autre! Approche transversale et synthétique, en tous cas, que nos pages politiques, sociales, et culturelles, en plus du dossier dont j’ai la charge, et du site animé par Camille Dalmas, vont tâcher d’éclaircir de trimestre en trimestre!

La suite sur le site du Figaro Vox.