Que peut bien raconter un évêque à un député non croyant sur la foi en politique ? Mgr Leborgne livre ici une critique sans merci de notre société ayant pour Dieu l’argent. Dans la ligne du pape François, il livre un message d’accueil et de charité, qui permet de réfléchir à l’engagement des chrétiens pour « la maison commune ».

Dans ce dialogue entre François Ruffin et Mgr Leborgne, la religion est placée au cœur du débat politique. Mgr Leborgne, en s’appuyant sur l’Évangile, formule une critique violente de notre société capitaliste et financière. Très attaché à la dignité humaine, il replace le pauvre au centre de l’attention et des préoccupations de l’Église. « L’altérité de ton frère, qu’il soit migrant ou l’enfant à naître… qu’en fais-tu ? », demande-t-il dans la lignée du pape François, mais aussi dans celle de Jean-Paul II qu’il qualifie, de manière un peu caustique de « plus à gauche que Pierre Joxe ». L’évêque d’Amiens rappelle que « le migrant qui est là m’est donné comme un frère ». Cessons d’être un peuple d’égoïstes, tel semble être le slogan de Mgr Leborgne. Évêque d’un diocèse rural et pauvre par rapport à la moyenne nationale, son combat est celui de la justice sociale. Face à l’inégalité croissante de notre société, l’Église se donne aux plus démunis, car là est la vocation de tout chrétien. « Il n’y a pas de charité sans justice » rappelle Mgr Leborgne, l’une et l’autre sont indissociables. Les chrétiens, souvent attachés à la charité, oublient que le combat est intégral. La lutte contre toutes les formes de discriminations et d’inégalités est nécessaire et fait partie de ses devoirs.

Mgr Leborgne parle du juste salaire, question épineuse puisque l’on sait que le SMIC est réévalué selon l’inflation. Inflation qui dépend de la croissance et donc de l’état du marché, de l’incontrôlable marché. Or ce n’est pas au marché de déterminer le salaire des travailleurs, mais bien aux patrons de donner à chacun selon son travail le nécessaire pour vivre et nourrir sa famille convenablement. Tel est le juste salaire selon Mgr Leborgne et la doctrine sociale de l’Église.

Une croissance indéfinie qui d’elle-même partagerait ses bienfaits est démentie par les faits.

Enfin le point clef du développement de Mgr Leborgne est son analyse du système capitaliste. « Une croissance indéfinie qui d’elle-même partagerait ses bienfaits est démentie par les faits » constate-t-il. L’illusion d’un monde toujours plus riche et performant s’effondre petit à petit, alors même que les grands de ce monde continuent de croire au marché et à la sacro-sainte croissance. La statistique est connue : les 62 plus riches de la terre et la moitié la plus pauvre de la Terre (3,6 milliards d’individus) possèdent autant (Oxfam International). Non, ces richesses ne sont pas partagées, et les bénéfices que l’on en tire ne le sont pas non plus. Mgr Leborgne nous invite à lutter contre ces injustices qui détruisent l’Homme : « À l’exemple du pape François, je me battrai pour la dignité de toute personne humaine et contre un des maux qui peuvent l’atteindre, c’est-à-dire le libéralisme financier ».   Que faire pour rétablir cette justice entre les hommes ? Mgr Leborgne, dans la lignée du pape François et notamment de Laudato si’, affirme que tout est lié, la dignité humaine, le respect de la vie, le sort des migrants et l’écologie : « Il faut encourager toutes les formes d’engagement dès lors qu’elles visent à s’informer, à essayer de comprendre, à mettre en place des actions et à soutenir des initiatives qui servent la dignité de la personne, qui servent la cité ». Dans cette lancée, quoi de mieux que de ralentir notre rythme infernal, de reconsidérer nos modes de vie, notre croissance économique pour donner le temps à chacun de trouver sa place, dans le respect de l’autre et de la planète qui s’essouffle ?

 

Paix intérieure et paix sociale, François Ruffin et Mgr Olivier Leborgne, éditions Temps Présent.