Alexandre Nantas vous fait découvrir aujourd’hui un jeune auteur, Thomas Bœspflug, qui a publié Le Pays des Hivers Rouges, court roman dans laquelle il nous livre l’aventure spirituelle d’un jeune homme qui retrouve sa place dans la Nature oubliée de son enfance.

« Il ne savait pas ce qu’il faisait là. Cocasse ironie du sort pour l’enfant du pays qui, pinson échappé de sa cage, sortait de l’abrutissante routine de sa vie dans la capitale, égaré. »
Lui c’est Matthieu et, dans Le Pays des Hivers Rouges, Thomas Bœspflug nous raconte son retour dans le pays de son enfance.

Fuyant le bruit et la fureur de l’illimité, il retourne sur les terres qu’il connut autrefois et qu’il avait presque oubliées, la société moderne effaçant de nos mémoires tout ce qui nuit au productivisme.

Déboussolé d’abord,  à son arrivée, il entendra l’appel de la route après avoir embrassé du regard le paysage qui l’entoure depuis le haut d’une église.
Il suivra donc son chemin à travers la Nature, partira à la rencontre de ses souvenirs et de sa mémoire, retrouvera les visages amis d’autrefois et peu à peu comprendra les raisons de son retour.

Le Pays des Hivers Rouges est un livre peu commun. Des pages que l’on tourne, sans impatience ni lassitude, se dégage une musique que l’on doit aux champs lexicaux choisis. Les symboles ici abondent, ils transparaissent à chaque page, à chaque ligne, à chaque mot. Matthieu ne le sait pas, ou plus exactement ne le sait plus mais il est « une force du passé ». Il l’est à tel point que, nous l’avons vu, c’est par instinct qu’il revient sur la terre qui l’a vu grandir. A sa descente du train, il va boire pour calmer un peu cette tristesse née de l’incompréhension de son voyage et c’est dans le brouillard éthylique que nu-pieds il ira, sans trop le décider, vers l’église du village. Cette église, qui « avait vu les siècles s’écouler » prenait place là où autrefois « de vierges prêtresses » veillaient sur un temple dédié à Artémis. Matthieu l’ignore mais « à la tradition seule va [son] amour. / [Il] vient des ruines, des églises, / des retables, des bourgs ». A Olivier, son ami prêtre, il dit devoir aller « là-bas », lui demande s’ « il y est toujours » ; le « il » en question c’est le « vieux », cet homme sur le visage ridé duquel « on pouvait lire quelque chose de très jeune ». Il est le symbole de la mémoire, de la Tradition, de toutes ces choses qui se transmettent et ne meurent jamais complètement.

Le Pays des Hivers Rouges est, au fond, un livre empreint d’une certaine mystique. Le christianisme et le paganisme se mêlant pour faire apparaitre la beauté du monde et l’âme de notre civilisation. Tout le prouve. Les toponymes (les étangs de Tibériade et de Labé, les collines de Diodore, entre autre.) ne sont pas que des indications permettant de tracer la carte de ce pays, ils nous transmettent des histoires et des valeurs immémoriales ; les prénoms (Matthieu, Olivier, Alaric, Sara, André, Pierre) nous disent beaucoup des personnages mais ce n’est pas à nous de révéler au lecteur trop de secrets. Tout juste nous permettons-nous de lui conseiller des chemins…

Outre la place prépondérante de la Nature c’est également le thème du Temps qui tient une place centrale dans cette nouvelle : l’importance du temps virgilien, ce temps rythmé par le cycle des saisons qui inlassablement reviennent, le rapport fondamental que l’Homme doit entretenir avec lui, les civilisations éphémères par essence…

Enfin, ce n’est pas du monde d’autrefois dont-il est question ici, c’est celui de toujours. Il suffit de s’en rappeler et ne pas oublier que, « dans ce monde, il y a des choses qui ne s’expliquent pas, elles sont, et c’est tout ce qui compte. »

Thomas Bœspflug, qui puise son inspiration chez Jean Giono, signe ici un livre intemporel au style exigeant et contemplatif qui ravira tous les amoureux de Littérature et tous ceux qui partagent une certaine vision de l’Homme.

 

Le Pays des Hivers Rouges

Thomas Bœspflug

Editions Lacour
15€

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