Nous sommes allés voir la dernière exposition de François Xavier de Boissoudy , Miséricorde, à la galerie Guillaume . Le comédien Romain Cucuel revient pour Limite sur une exposition d’encre et de lumière.

Infos : Du 7 avril au 28 mai 2016. Galerie Guillaume, 32 rue de Penthièvre, 75008 Paris |

Comme en écho à cette année jubilaire de la miséricorde ouverte par le Pape François, l’artiste  confie  que ce sujet s’est imposé à lui. Il y a urgence à vivre de ce qu’il appelle un «  processus vivant de libération fait de celui qui pardonne  et de celui qui est pardonné ».  Au premier regard le visiteur sait que ce n’est pas une commande du Vatican et que ce n’est pas au Pape que le peintre répond, mais à la miséricorde contemplée et vécue. Cette œuvre est une réponse et un témoignage qui tient cette exigence paradoxale d’être à la fois personnelle (c’est-à-dire originale) et universelle.

C’est une peinture à l’encre. Des taches viennent donner forme à un visage, une foule, un Christ, de sorte que l’œuvre est à la fois le fruit d’une très grande maîtrise et le résultat d’accidents, de providence… L’encre déborde toujours, occupe toujours un espace imprévisible et sans cesse Boissoudy compose avec cet imprévu. Ce qui lui fait dire « l’eau dessine à côté de moi ». Dans ce dialogue entre maîtrise et providence chaque œuvre ne peut être qu’inattendue.

« Le dessin apparaît là où le peintre  n’a pas peint »

Autre chose s’impose au regard du visiteur. Le dessin apparaît là où François-Xavier laisse un vide, un espace, et c’est la lumière qui compose l’œuvre.  Le dessin apparaît là où le peintre  n’a pas peint, là où il s’est  contenté de travailler autour. L’œil va là où se joue le drame, c’est-à-dire où se rend la miséricorde , et nous laisse au bord d’un mystère qui n’écrase pas le visiteur. Je pense à ces mots d’André Dhôtel :

« La poésie n’étant jamais

que ce qui ne va pas plus loin.

Une histoire bien sûr

mais qui ne se déroule pas

et nous laisse au bord d’un jour

sans savoir ce qui va

peut-être s’éclairer. »

« L’aveugle de Jéricho » en est une parfaite illustration, le Christ apparaît là où François-Xavier ne peint pas, il est lumière. La forme de l’aveugle, qui lui est plus sombre, se dessine également grâce à une étroite ligne de lumière. Ce face à face est saisissant, à première vue il semble que nous assistions à une scène très intime, une confession, pourtant, cet homme anonyme ne nous est pas étranger, peut-être s’agit-il du visiteur.

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Cela est saisissant également dans cette nativité où toutes les formes viennent  d’une lumière centrale qui semble envahir sur les alentours :

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Où dans ce paralytique. L’homme semble s’animer lentement, jaillir d’une glaise encore brute de laquelle une forme se dégage. Un morceau de terre sur laquelle quelqu’un aurait soufflé, une main tendue nous indique que cette vie nouvelle est reçue. Mais peut-être est-ce vers moi que cette main se porte… ?

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Seules ses crucifixions sont faites d’ombre, sans doute ce dernier mystère, la mort de Dieu, échappe à toute clarté humaine et ne s’approche qu’à lumière du salut. Ainsi derrière la croix apparait en pleine lumière Jérusalem, la Céleste…

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