Rendu impossible par un relativisme de principe ou aseptisé par le contrôle du langage, le débat public en France ne semble plus réunir les conditions propices à un enrichissement collectif. Les États généraux de la bioéthique sont l’illustration de cette incapacité à penser le commun. Un état de fait qui doit nous inviter à redécouvrir les finalités de l’échange civique, de la vie en société et donc du politique.

« Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal » : voilà ce que Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a déclaré dans une interview donnée à Valeurs actuelles au mois de mars dernier. Un tel relativisme, à un tel niveau de responsabilité, sidère. Il renvoie à un ethos de plus en plus généralisé, celui d’homo economicus.

La société est-elle autre chose que l’addition des aspirations et intérêts particuliers qui animent ses diverses composantes ? Et le droit, l’agent régulateur du cadre dans lequel ces aspirations et intérêts peuvent se mouvoir ? À ses débuts athéniens, le Politique se pense comme ce à travers quoi l’homme fait l’expérience de la chose commune ; « chose » qui peut inclure ses intérêts particuliers mais ne saurait s’y réduire ; « commune » en tant qu’elle n’est justement pas l’apanage des remous du foyer et des affres du clan, mais la possibilité de les dépasser.

Pour autant que ces éléments soient rappelés, « commun » ne dit pas forcément « direction commune ». Le cadre peut être commun – la « République » (française), l’Union européenne –, sans nécessairement appeler ses membres à des finalités communes. Ensemble donc, mais pour quoi faire ? Pour aller où ? Au nom de quoi ? De qui ? Ces questions fondamentales sur les sources et la nature du « commun », sur l’essence même du politique, doivent aujourd’hui, plus que jamais, composer avec la montée de la subjectivité individuelle, qui conduit chacun à s’avancer dans l’espace public armé de son ressenti, à exiger que la société reconnaisse ce ressenti et l’érige en cause commune ; la communion des ressentis ou le palliatif à l’impossibilité de s’accorder sur un commun qui tire l’individu vers le haut, transcende les vérités particulières par un effort d’élévation personnel (…).

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